Patricia Thoré, l'amie des bêtes

Patricia Thoré « de la Maraf ». 67 ans. Originaire de Rochefort, arrivée dans la Vienne en 1998. Ancienne militaire de carrière aujourd’hui responsable de la Maison d’accueil et de retraite des animaux de la ferme, à Salle-en-Toulon. Amie des bêtes et femme de conviction.

Claire Brugier

Le7.info

Selon la légende familiale, elle aurait été surprise un jour gazouillant dans son berceau à côté d’une couleuvre venue s’y mettre au chaud. Patricia Thoré s’amuse de cette histoire qui date de… 
« Vous voulez la version officieuse ou la version officielle ? Parce qu’officieusement j’ai 25 ans, officiellement 67. » Cheveux gris et courts, regard malicieux, « Patricia de la Maraf » (dixit son répondeur téléphonique) n’a de toute évidence pas sa langue dans sa poche. 
« Je me souviens d’un général qui disait : il faut savoir se taire mais il ne faut pas en abuser. » L’ancienne militaire a fait sienne la maxime. Vingt-quatre ans au sein de la grande muette n’ont pas eu raison de sa faconde, connue des fidèles du marché chauvinois où elle se fait vendeuse de fruits et légumes le samedi. Le reste de son temps, l’amie des bêtes le passe auprès des pensionnaires de sa Maison d’accueil et de retraite des animaux de la ferme, la Maraf donc, qu’elle a ouverte en 2008 à Salles-en-Toulon. « Je voulais être vétérinaire, je suis allée dans l’armée par défaut », explique-t-elle. Déterminée à ne pas devenir « couturière, coiffeuse ou je ne sais quoi », métiers vers lesquels semblait la prédestiner sa condition féminine, Patricia a suivi une formation de secrétaire assistante vétérinaire au lycée agricole d’Ahun (Creuse). « Mais en 1974, il y avait seulement cinq places pour les filles au concours des écoles vétérinaires. » La 
Rochefortaise se retrouve sur liste d’attente mais elle n’attend pas. « J’ai passé plein de concours en me disant : le premier qui me prend, je pars ! Mais si la marine m’avait répondu favorablement, j’aurais dit non, je ne voulais pas rester à Rochefort. » Dix-sept ans déjà qu’elle s’y fabriquait des souvenirs, enfin pas tout à fait parce qu’avec un père militaire, la jeune fille avait vu du pays. Mais l’Algérie -« on est revenus pratiquement à la nage en 1962 ! »-, 
Brest ou Papeete ne lui ont pas laissé de « vrais souvenirs », 
contrairement à Rochefort. L’aînée de cinq enfants évoque amusée « le tournage des Demoiselles de Rochefort sur lequel [sa] mère [les] emmenait à la sortie de l’école ». 


24 ans dans l’armée

A 17 ans, Patricia a intégré l’Ecole interarmées du personnel militaire féminin, près de Caen, avant une première affectation au service des sports de l’académie de Saint-Cyr Coëtquidan. « J’y ai passé tous les permis, sauf le super poids lourds car je ne touchais pas les pédales ! J’ai aussi fait beaucoup de sport. » 
Patricia, « pas carriériste », n’avait pas prévu de s’éterniser dans l’armée. En 1980, elle est nommée formatrice à Carpiquet. Moins de deux ans plus tard, pour se rapprocher de sa mère malade, elle atterrit à La Rochelle, au Détachement du transit interarmées, puis à l’Ecole des apprentis techniciens à Issoire. « C’est là que j’ai rencontré mon mari, il fallait bien que ça arrive !, sourit-elle. On a découvert qu’on s’était déjà croisés. » Tous deux apparaissent enfants sur une même vieille photo de plage, en Algérie… 


« Je voulais être vétérinaire. »

Au fil des ans, le foyer s’est agrandi, deux enfants et bientôt une deuxième fille, née du côté de Canjuers (Var). « Un régiment d’artillerie, je n’avais jamais fait ! »
Puis, en 1993, la famille découvre Poitiers. Patricia rempile quelques années au bureau du service militaire et prend sa retraite en 1998 pour suivre une formation de responsable d’exploitation agricole. « J’ai une passion pour les volailles. J’avais dans l’idée de me mettre à mon compte pour créer une sorte de conservatoire des races. » Elle fait des stages au SPA de Poitiers, commence à recueillir de vieux animaux. En 2008, veuve désormais, elle s’installe dans une ferme à Salles-en-Toulon et crée la Maraf. Suivent quelques temps de vache maigre. « On allait vendre des volailles, des quiches, des crêpes sur le marché. »


Une maison de retraite pour animaux

« A l’époque, j’avais une quarantaine de chiens, deux vaches, un âne, une dizaine de chèvres, Mirabelle le cochon, des oies, des poules… Et encore les enfants pour m’aider. » 
Ils ont grandi, Patricia, avec la trésorière, a continué de se démener pour l’association. Quitte à vivre sans chauffage et avec la seule électricité d’un groupe électrogène relié à des panneaux photovoltaïques, elle se dévoue pour ses colocataires. Ils l’ont aidée à compléter sa 
« formation » de vétérinaire, l’ont convaincue de devenir vegan et, qui sait, peut-être même de voter pour le parti animaliste aux présidentielles. « Ils sont soit malades, soit handicapés, soit vieux, parfois les trois. Je pleure quand ils meurent, quand ils partent à l’adoption, je suis une vraie fontaine. Aujourd’hui, je n’ai plus que quatre chèvres, un cochon nain, sept chiens et une cinquantaine de chats », récapitule la volubile sexagénaire qui est longtemps allée manifester à la foire des Hérolles, le 29 du mois. « Je fais ce que je veux quand je veux, sauf le marché et les rendez-vous vétérinaires ! » 
Et même si elle affirme qu’elle « procrastine beaucoup », Patricia ne perd pas son temps. Elle garde à portée de main un grand cahier jaune qui lui sert d’agenda… et des chaussettes en cours de tricotage.

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