Hier
Thomas Lambert dit Toma Sidibé. 51 ans depuis quelques jours. Auteur-compositeur-interprète de musiques aux sonorités afro-urbaines. Citoyen du monde. Signe particulier : croit en la puissance des liens.
Un visage solaire, une tenue malienne et le sourire jusqu’aux oreilles, Toma Sidibé vient de rentrer à Poitiers après un nouveau périple, au Maroc cette fois. Impossible pour lui de rester en place. Le voyage, c’est « dans [son] ADN ». Né à Abidjan, l’artiste a grandi entre la Côte d’Ivoire, Amiens et le Mali. Une enfance multiculturelle qui a profondément marqué son identité mais aussi celle de sa musique, aux sonorités afro-urbaines. Les voyages l’inspirent et l’aident à créer. « J’adore bouger pour le boulot, en famille, découvrir de nouveaux endroits. Lorsque l’on voyage, les sens sont toujours en éveil. » Installé dans la Vienne depuis « 2000 ou 2001 », le chanteur, toujours en mouvement, a par ailleurs une drôle de maladie : celle « du rythme ». « Je tape tout le temps. Parfois, ça m’arrive même sans que je ne m’en rende compte. » Et qui dit « maladie » dit traitement. Pour canaliser cette énergie débordante et ce « besoin de taper », sa mère l’a inscrit à des cours de batterie lorsqu’il avait 11 ans. « Sacré cadeau pour les voisins... » Le rythme, Toma l’a donc dans la peau depuis toujours. Mais pour l’artiste aux vingt-cinq ans de carrière et aux six albums studio, vivre de la musique n’était pas une évidence.
La musique au quotidien
« Plus jeune, j’ai fait beaucoup d’animation, des petits boulots… J’ai aussi fait des études de langues orientales et d’ethnologie à Paris… Des voyages aussi, qui m’ont permis de faire des rencontres et d’apprendre de nouvelles langues comme le bambara (l’une des langues nationales maliennes, ndlr). Mais je ne m’imaginais pas du tout vivre de la musique. » Pourtant, le destin s’en est mêlé lors d’un voyage au Mali. « Un jour, des amis m’ont conseillé d’enregistrer les sons que j’avais dans la tête sur une cassette et, très vite, Sony m’a contacté… sur le seul téléphone du quartier. » Thomas Lambert signe alors son premier album sous le nom de l’homme qu’il considérait comme un père au Mali et devient Toma Sidibé. Puis tout s’enchaîne. Compositions, concerts, spectacles… Il a bien entendu fallu se faire une place, mais l’artiste, qui a « toujours des trucs en tête », n'a « jamais vraiment eu l’impression de travailler ». Aujourd’hui, la musique est au cœur du quotidien du papa des jumeaux Amine et Ishane (19 ans) et de la petite dernière Sofia (11 ans). « Lorsque nous sommes dans la cuisine, Sofia et Ilham (Bakal, son épouse également artiste ndlr), vont se mettre à danser. Je profite aussi de ces moments pour capter des sons. »
« J’ai appris à gérer cette émotion-là. »
Et si cette euphorie aide Toma à créer, le Poitevin s’accorde des temps calmes grâce à la méditation et aux balades en forêt. Ses émotions, parfois intenses, le poussent à écrire et à composer. « Je me souviens, au moment du Covid, dès le jour de l’annonce du confinement j’avais besoin d’écrire. En fait, je pensais à tous les enfants devant qui je devais jouer et qui allaient rester enfermés chez eux. Je me suis adressé à eux et à tous les autres sur les réseaux. » La vidéo n’est d’ailleurs pas passée inaperçue. L’artiste a en effet été sollicité par l’Unicef dans la foulée. Généreux et plein d’empathie, Toma est parrain de l’association Un hôpital pour les enfants depuis 2007. « Les premières fois à l’hôpital, j’étais vidé, triste, vraiment pas bien. Puis j’ai appris à gérer cette émotion-là. » Jeune papa à l’époque, Toma se sent désormais à sa place et continue de créer des liens très forts, notamment grâce aux spectacles élaborés avec les petits patients.
Tous mélangés
Les enfants, il les connaît, les fréquente, joue pour eux et avec eux. Alors, quand il a appris pour la fusillade des Couronneries survenue le 31 octobre dernier, l’artiste, qui connaissait les jeunes victimes, n’a pu s’empêcher de prendre la parole sur les réseaux. « De par mon histoire, mon ouverture, du fait que je parle plusieurs langues, c’était viscéral. On est en train de s’éloigner les uns des autres. » Et cet éloignement, il le redoute plus que tout. « Enfant du pays », aussi bien à Amiens et Poitiers qu’à Bamako et Abidjan, Toma est « à l’aise avec tout le monde » et aime sincèrement les gens. Difficile alors pour lui de comprendre ces « fossés qui se creusent ». « On est tous faits pareil, on respire tous le même air. » Ce message, l’auteur-compositeur le transmet à travers ses musiques depuis toujours et tout particulièrement dans son dernier single, intitulé « Tous mélangés », sorti le 7 novembre dernier -jour de son anniversaire- sur les plateformes. La fraternité dans les veines, Toma n’a pas toujours bien vécu le retour de ses voyages. « En Afrique, on peut parler avec tout le monde, on a toujours besoin des autres. Les premières fois que je suis revenu en France, je me suis demandé ce qu’était ce pays. Je faisais Roissy-Amiens sans croiser personne dans les rues. Puis au fil des années, j’ai fini par adorer passer de l’un à l’autre. » Depuis un quart de siècle, l’artiste partage, transmet des messages, lutte contre les barrières et les a priori. Dakan (« destin » en bambara), son nouvel album, est prévu pour le 11 janvier. D’ici là, l’artiste pourrait bien être amené à refaire sa valise, qui sait ?
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