mardi 24 décembre
Sébastien Desplanques. 39 ans. Mécanicien vélo à Verrue. Normand d’origine. Poitevin d’adoption. A son compte après avoir travaillé notamment pour FDJ-Suez. Champion du monde de cyclisme sur piste. Signe particulier : passionné et entier.
Les coups de cœur ne se commandent pas, que voulez-vous. Quand il a posé son regard sur cette imposante bâtisse avec vue plongeante sur la vallée, Sébastien Desplanques a su immédiatement qu’il vivrait là, à Verrue. « Lorsqu’on est arrivé, il a eu un grand sourire, juste en passant le portail », confie sa complice, Alice. La petite bourgade perdue dans le Mirebalais compte 364 habitants, et donc depuis quelques mois son « Docteur du cycle », expert ès vélo. Combien savent-ils que l’ancien corps de ferme retapé -les clapiers à lapins ont disparu- est la propriété d’un ex-champion du monde de cyclisme sur piste ?
Le Normand au parler franc et au regard intense reconnaît que « [son] palmarès » et son passé de mécanicien dans des équipes professionnelles l’ont « aidé » à faire son trou. Quatre ans chez FDJ-Suez, ça vous classe son homme, encore plus quand l’équipe engrange les victoires. « Il y a trois courses qui me plaisent et que je n’ai pas pu faire en tant que coureur : l’Amstel Gold Race, Liège-Bastonne-Liège et La Flèche wallonne. J’ai remporté les trois avec les filles. C’étaient des moments forts, encore plus quand Grace (Brown) a gagné Liège. J’étais dans la voiture, c’était incroyable ! »
Premier succès à 4 ans
Seulement voilà, partir plus de deux cents jours par an en France et à l’étranger nécessite des sacrifices familiaux que Sébastien n’était plus enclin à fournir après une décennie chez Arkéa, Saint-Michel-Auber et donc FDJ-Suez. D’autant que son épouse est elle-même assistante sportive pour Groupama-FDJ. Terminés les allers-retours entre la Normandie et la Vienne ! « On est chez nous maintenant, le village est super cool en plus... »
Le gamin d’Elbeuf rembobine les souvenirs, les plus marquants comme les moins glorieux. Dans la première catégorie, il y a cette victoire à... 4 ans sur le parking de l’usine Renault de Cléon, où bosse aujourd’hui son meilleur ami. Le pensionnaire du club du Bosc-Roger-en-Roumois enchaîne tel un stakhanoviste. « Je n’allais pas faire du vélo pour me promener. Il me fallait des challenges en permanence. » En minimes, il décroche trente succès en trente-deux courses dont les titres régionaux sur piste et sur route. En cadets, rebelote, avec un titre de vice-champion de France de course aux points. Le néo-Bleu dispute ses premiers championnats d’Europe en juniors. Et décroche un titre mondial sur l’épreuve de scratch en 2003. La consécration.
« Aujourd’hui, je peux me regarder dans une glace »
« A ce moment-là, j’aurais sans doute dû aller dans une grosse équipe, mais j’étais trop jeune dans ma tête et je n’avais pas envie de partir de chez moi. » Il quitte finalement la Seine- Maritime pour rallier l’Eure et une équipe de DN1, à Evreux. « Ça m’a rouvert les portes de l’équipe de France ! En qualif’ d’une compétition, j’ai même réussi à battre Mark Cavendish. » Pressenti pour faire les Jeux olympiques après la Coupe du monde de Manchester, Desplanques finit par... raccrocher le vélo. « J’ai pété un plomb et j’ai arrêté d’un coup. Il y a eu des prises de tête avec les entraîneurs... »
« Sanguin » et « impulsif », Sébastien n’a jamais regretté sa décision. « Continuer dans ces conditions, ça n’aurait pas été moi. Aujourd’hui, je peux me regarder dans une glace sans regret ni amertume », juge-t-il. Le vélo, il y est revenu par la mécanique, plus tard. Mais entretemps, le fils de mécanicien et d’ouvrière -« mes parents se sont saignés pour moi »-, seulement nanti d’un bac commerce, a pris le chemin de l’usine. A 23 ans.
« Pas de vélo à 12 000€ »
Six mois à Autoliv « pour se remettre la tête à l’endroit », puis un contrat de pilote essayeur chez Renault, avant le retour « aux premières amours ». Sébastien Desplanques est doué de ses mains et en a fait profiter deux magasins, avant d’implanter son « cabinet », d’abord à Bec-Hellouin, puis à Verrue. Le docteur consulte à domicile et se déplace aussi, sur les marchés notamment. Une façon originale de « rendre service ». Dans son atelier, « pas de vélo à 12 000€ », seulement quelques VTT et des biclous de Monsieur et Madame Tout-le-monde à rafraîchir. Et aussi son Look jaune de champion du monde qui trône en majesté. Il aime son nouveau quotidien plus raccord avec ses envies de « fonder une famille ». Bien sûr, l’ancien champion du monde s’accorde encore quelques sorties sur route. En mode tranquille ? « Non, il ne connaît pas le mot balade ! Il faut toujours qu’il soit le premier à la pancarte », plaisante Alice. Fan de Virenque, de hockey et de vitesse -il a fini par revendre sa 650cc-, Sébastien Desplanques ne renie rien de son passé. Ni les coups de cœur encore moins les coups de gueule.
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