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Révélations sur l'abbé Pierre : « C'est effrayant »
Catégorie : Société Date : mardi 24 septembre 2024En plein scandale lié aux agressions sexuelles commises par l’abbé Pierre, Poitiers a accueilli la semaine dernière la 2e édition du Forum mondial des alternatives, organisé par Emmaüs international. Yves Godard, fondateur de la communauté de Poitiers, n’y était pas. Mais il est meurtri.
« Sous le choc, abasourdi, blessé et en colère. » Depuis juillet et les premières révélations du cabinet Egaé sur les violences sexuelles qu’aurait fait subir l’abbé Pierre à de nombreuses femmes(*), Yves Godard balance entre ces quatre sentiments. « Je connais six femmes, six copines du mouvement qui m’ont parlé de son comportement à leur égard. Une seule figure dans le rapport Egaé..., soupire le fondateur de la communauté Emmaüs de Poitiers. Elles se sont tues pendant cinquante ans et ont honte de n’avoir rien dit. Mais c’était l’abbé Pierre, un phare. Je n’arrive pas à faire cohabiter l’homme que j’ai connu, avec cette humanité, cette bonté, et ce prédateur sexuel. C’est effrayant. »
« Il avait tous les droits »
Yves Godard, qui a hébergé Henri Grouès -de son vrai nom- chez lui à « de nombreuses reprises », livre cette anecdote révélatrice. « Mon frère l’a accompagné à Paris en 1972 pour rencontrer le consul de Norvège. C’est lui qui conduisait. Il s’est stationné n’importe comment et a dit à mon frère : « Si on te dit quelque chose, tu dis que c’est l’abbé Pierre. Il avait tous les droits... » Un demi-siècle plus tard, celui qui a passé trente-sept ans à Emmaüs « comprend mieux certaines choses », comment par exemple « des gens obtenaient des choses auxquelles ils n’auraient pas dû avoir droit. » « On s’était notamment affronté au sujet d’un responsable qui avait droit de cuissage sur les femmes de la communauté qu’il dirigeait... » Yves Godard en veut à « tous ceux qui savaient et n’ont rien dit, l’Eglise, les politiques et les responsables d’Emmaüs ».
Pas d’amalgame ?
Aujourd’hui éloigné du mouvement, le Poitevin de 73 ans n’a pas assisté au 2e Forum mondial des alternatives d’Emmaüs international, la semaine passée au Palais des congrès du Futuroscope. Près de 450 congressistes de 32 pays étaient là pour parler éducation, justice sociale et climatique, migration... et un peu (beaucoup) de l’abbé Pierre. « C’est le fondateur, l’arbre, mais il y a une forêt derrière qui a bien poussé », évacue Laurent Guinebretière. Se sentant « trahi », le responsable d’Emmaüs Poitiers estime cependant que les répercussions seront minces au quotidien, en dépit de « l’important héritage ». « Il faut réussir à assumer notre histoire, tout en développant des choses dans la lutte contre la misère », abonde Xavier Renard, de la communauté de La Couronne, en Charente. « Il ne faut jamais oublier qu’on a affaire à une population fragile que l’on doit protéger », conclut Séverine Diot, responsable de la communauté Emmaüs de Pontivy, dans le Morbihan.
(*)On parle aujourd’hui de vingt-quatre femmes identifiées dans des rapports publiés en juillet et septembre.
Erigée en 2014 sur le rond-point de la route de Nonnes, l’œuvre érigée en hommage à l’abbé Pierre et aux compagnons d’Emmaüs ne restera pas en l’état. A l’unanimité moins une voix, le conseil municipal de Naintré a décidé d’engager les démarches administratives pour déboulonner la statue de l’homme d’Eglise et de faire disparaître son nom. Le rond-point sera donc désormais celui des « compagnons d’Emmaüs ».
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