Le Regard de la semaine est signé Sourabad Said Mohamed.
En mai 2011, le think tank social-démocrate Terra Nova a pris acte de la fin de la coalition entre la gauche et la classe ouvrière, née en 1936 avec l’avènement du Front populaire. C’est cette classe ouvrière qui a sans doute participé à la victoire de François Mitterrand en 1981. Plusieurs raisons expliquent ce divorce. D’une part la recomposition interne du monde ouvrier, les ouvriers de l’industrie ne représentant plus que 13% de la population active. Ces ouvriers se sont mués dans une trajectoire de consommateurs isolés, individualisés. A côté, la libération des mœurs et le choix d’une partie de l’intelligentsia de gauche de porter attention aux revendications minoritaires ont conduit les ouvriers « historiques » à tourner le dos à cette nouvelle configuration idéologique de la gauche.
Sa nouvelle démographie électorale tourne autour de nouvelles catégories de population : jeunes, diplômés, habitants des métropoles et des zones urbaines, mais aussi et surtout habitants des quartiers populaires. A chaque élection donc, c’est le même cirque, les mêmes discours mettant en avant la volonté des partis de gauche d’assurer l’inclusion. Toutefois, ce processus se heurte à deux phénomènes. D’abord la posture paternaliste, ensuite une tentative maladroite d’intégrer ces minorités dans les équipes politiques. Dans l’analyse des mécanismes de discrimination, on appelle cela l’effet de seuil : les Noirs et les Arabes oui, mais en nombre limité.
Les élections municipales de 2020 à Poitiers ont vu ce même phénomène se produire, avec notamment un saupoudrage de personnalités issues de ces mêmes minorités sur les listes électorales. Artifice ou « diversity watching », aucun des partis politiques de gauche ne réussit à poser un diagnostic clair sur la situation des quartiers populaires.
En réalité, les élus locaux se réfugient dans des politiques publiques (techniques), pour ne pas traiter de la question politique GLOBALE. L’approche « quartiers populaires » permettrait de sortir de l’impasse du communautarisme et de revenir à la question sociale comme point de départ. En lieu et place des mesurettes de la politique de la Ville, il faudrait penser « l’EMPOWERMENT » des habitants. Attention, il ne s’agit pas d’un pseudo « pouvoir d’agir » qui ne concerne que cette participation plus ou moins volontaire aux fêtes de quartiers.
Traiter le sujet sous l’angle de la question sociale est peut-être le point qui pourrait permettre une contractualisation entre la gauche et les quartiers populaires. Il faudra imaginer les habitants des quartiers populaires comme des acteurs avec un projet politique territorialement ancré et un statut social, et non de minorité. La voie est ouverte. Elle s’autonomisera puisque ce processus est irréversible pour paraphraser Tocqueville.
CV express
Diplômé de philosophie et de l’IAE Poitiers. Je suis le président de l’Agence pour l’égalité. Passionné de rap et de littérature, je cultive la critique comme mode de vie et je suis très largement attaché au principe éthique de Spinoza.
J’aime : les nouvelles générations et leur capacité d’inventer un monde bien meilleur que celui que nous leur laissons.
J’aime pas : la situation d’inculture dans laquelle nos société semblent être plongées alors que l’accès à l’information et aux savoir n’a jamais été aussi important.