mardi 24 décembre
Abdelmajid Amzil. 46 ans. Ingénieur sécurité ferroviaire à la SNCF. Est né et a grandi aux Trois-Cités, à Poitiers. Père de 4 enfants. Porte le drapeau français en étendard. Co-fondateur de l’association J’aime la France, j’aime ma ville. Musulman et républicain. Et alors ?
Début d’été à la terrasse de la boulangerie du centre commercial des Trois-Cités. Le local France Services ne désemplit pas. Quelques jeunes boivent un café en face et discutent. Abdelmajid Amzil disserte à côté, au cœur de ce quartier qui l’a vu « grandir et réussir ». « Pur produit de l’école de la République », le quadra a fréquenté l’école des Sables, le collège Ronsard, le lycée Camille-Guérin et, enfin, l’Ecole nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers (Ensip), diplôme de thermique et d’énergie en poche. Quelques jours après notre rencontre, le référent sécurité ferroviaire à la SNCF a pris soin de nous envoyer une liste des personnes à qui il veut « rendre hommage ». Il y a là des enseignants (Mme Sutty, M. Bézard, Mme Benard, M. Chaillé, Mme Mathieu, Mme Guerre, M. Baudin, MM. Lachaux et Germain, Mme Bouchet, M. et Mme Granchet), des entraîneurs de l’ES Trois-Cités (Michel Mautre, Bruno Radureau, Bernard Barque), « les autres bénévoles que je ne peux pas tous citer », ainsi que ses parents, bien sûr.
Foi profonde et laïcité
« Sur les huit enfants, il y a deux ingénieurs, des sœurs dans le médical, une enseignante... Et ça, on le doit à nos parents. Ils sont la base de tout, de ce que je suis aujourd’hui. » Les Amzil sont arrivés de Fetouaka, au Maroc, à la fin des années 70, avec l’espoir d’une vie meilleure dans leurs bagages. Le patriarche a travaillé chez Michelin en 3x8, tandis que son épouse s’occupait de la fratrie. A l’école de l’intégration, ils n’ont semble-t-il manqué aucune séance, soucieux d’inculquer « les bonnes valeurs » à leurs enfants. Sans toutefois renier leur « foi profonde dans le respect de la laïcité ». A 46 ans, empli de « sérénité et de sagesse », Abdelmajid Amzil regarde avec distance les polémiques qui ont escorté la naissance d’Abchir - La réjouissance, en 2012, en plein cœur du centre commercial. « Je me suis posé la question de comment être utile ? J’ai pensé que créer une paroisse au cœur du quartier pouvait être intéressant plutôt que de voir les jeunes aller dans les caves apprendre l’islam. Mais je n’ai pas été compris... » L’association a accueilli jusqu’à 130 jeunes, leur proposant des activités scolaires et culturelles « sans prosélytisme ».
« On peut mener toutes les révolutions qu’on veut, si on n’accompagne pas les gens... »
Aujourd’hui, le père de quatre enfants -19 à 3 ans- a « tourné la page », de la même manière qu’il n’est plus actif au sein de l’association gestionnaire de la mosquée de l’allée des Jardinières, à Poitiers. Ce qui ne signifie pas qu’il a renoncé à tout engagement associatif, au contraire ! Non, l’ancien footeux de bon niveau -« je voulais être Jean-Pierre Papin ou Chris Waddle »- a choisi pendant trois ans de s’impliquer au conseil citoyen, aux côtés de « petites gens qui ont du cœur ». Mais là aussi, l’ingénieur a vite perçu « les limites de l’idéologie ». « Nous avions proposé un espace de sport couvert au cœur du quartier qui permettrait aux jeunes de se retrouver, avec des éducateurs pour les accompagner. C’est rentré par une oreille, c’est sorti par une autre. On peut mener toutes les révolutions qu’on veut, si on n’accompagne pas les gens... » Le tout est asséné avec un brin d’amertume mais sans fatalisme. Car le conseil citoyen a œuvré à organiser un forum de l’emploi, suscité des vocations, permis de valoriser les talents, etc. Bref, « son » action n’aura pas été inutile, tout comme l’association J’aime la France, j’aime ma ville, co-fondée avec Mahyar Monshipour, prend sa part dans le « aller-vers ». Ce fut le cas dans l’organisation d’un débat en amont des Législatives de 2024.
En route vers 2026 ?
La politique, on y (re)vient, n’obsède pas Abdelmajid Amzil. N’empêche, l’enfant des Trois-Cités ne dirait pas non à un mandat, pour peu qu’« au-delà des partis, les personnes partagent mes valeurs, de droite, de gauche, du centre ». Il a failli intégrer une liste en 2014, mais la « réputation » d’Abchir l’a privé d’un éventuel mandat. En 2020, avec d’autres, l’ingénieur a publié un petit manifeste pour faire de « Poitiers, une ville ambitieuse, plus juste et équitable ». Le document n’a presque pas pris une ride. Au-delà de la mise en place de lignes de tramway et de bus à haut niveau de service, il y était question de « donner accès aux gymnases et bibliothèques les soirs et week-ends ». Une promesse pour 2026 ? Abdelmajid consent à dire que « les élus doivent être encore plus représentatifs de la population. Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’on fait ensemble ». Message transmis.
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