mardi 24 décembre
Ward Hamoush. 22 ans. Réfugié syrien en France depuis 2016. En attente de la nationalité française. Ancien étudiant poitevin en musicologie. Donne des cours en Vendée. A raconté son parcours d’exil sur la scène du dernier TEDx Poitiers, l’autre samedi. Signe particulier : modèle d’intégration.
Il est arrivé sur scène sur l’une de ses compositions en fond sonore, puis a commencé à deviser en arabe. Cinq, puis dix, puis trente secondes. Blanc dans la salle. Et il a basculé en français, comme pour mieux signifier le mur d’incompréhension auquel il a été confronté à l’adolescence. C’est l’histoire de Ward Hamoush, une histoire aussi universelle que personnelle. L’histoire d’un exil de la Syrie en guerre vers la France, via le Liban, dans les bagages paternels avec sa sœur, de deux ans sa cadette. « A vrai dire, je savais ce qu’était le concept TED, mais je n’aurais jamais pensé être sélectionné un jour... », prolonge-t-il. L’un de ses amis, Alexandre, a fait le lien avec le jury appelé à choisir sept personnalités susceptibles de diffuser « des idées inspirantes » -c’est le cahier des charges- lors du 5e TEDx Poitiers. Après cette « belle expérience » en forme de mise à nu, Ward se sent aujourd’hui « un peu libéré », ayant le sentiment d’avoir « rendu justice à [m]on père. Il n’a pas fait tout ça pour rien... »
Chaleur humaine
Presque huit ans ont passé depuis l’arrivée de la famille Hamoush dans le petit lieu-dit Croisette, à Sainte-Maxire, dans les Deux-Sèvres. En provenance de Beyrouth, donc. C’était le 14 novembre 2016 et « le choc thermique a été violent ». Mais à défaut d’un mercure au zénith, Marwan et ses enfants ont bénéficié d’une chaleur humaine que Ward n’oubliera jamais. Jamais. « On ne pouvait pas se parler, mais rien que par les gestes et les sourires, une complicité s’est instaurée. On allait avoir une maison et un jardin pour nous. Et même le repas était prêt ! » Christine, Dédé, Patricia et Patrice se reconnaîtront, Geneviève Gaillard aussi -ancienne maire de Niort-, présente sur le pas de la porte à l’automne 2016. « C’est pour les remercier que je fais tout ça, ils nous ont emmenés à l’école plein de fois, ont été là quand on en avait besoin... J’espère qu’ils sont fiers de ce qu’on est devenu. »
A 22 ans, le gamin de Cham, quartier de Damas, dont la maison a explosé au début de la guerre civile, poursuit son petit bonhomme de chemin. Depuis trois mois, il travaille comme musicien intervenant à Saint-Mesmin, en Vendée. Il a quitté Poitiers et son CDI de moniteur-éducateur chez Audacia avec un pincement au cœur.
« J’ai toujours baigné dans le social avec mon père qui allait dans des camps de réfugiés au Liban, développe-t-il. A Audacia, j’accompagnais des femmes victimes de violences conjugales. Mais je crois que je suis fait pour passer mes journées à jouer et enseigner la musique ! » Alors l’ancien étudiant du Centre de formation des musiciens intervenants (CFMI) de l’université s’est résolu à poursuivre ses rêves d’émancipation par la culture. Résolument « curieux », parfois « trop ambitieux », ce fan absolu de musiques de films (Hans Zimmer, John Powell) connaît le pouvoir des instruments. Il a noué ses premiers liens d’amitié au lycée avec une simple guitare et a rempli son « armoire à mots » en écoutant « Soprano, Bigflo et Oli, Zazie, Renaud, Aznavour ».
« Je m’intéresse à la politique »
La séquence nostalgie lui arrache un nouveau sourire doublé d’une explication. Ward le sait, il a « grandi trop vite ». « A 11 ans, j’avais déjà un point de vue politique sur la situation en Syrie, sur pourquoi mon père avait reçu des menaces à cause de ses chansons et de ses pièces de théâtre. J’ai sans doute loupé une partie de l’innocence de mon enfance. Mais d’un autre côté... » D’un autre côté, le réfugié syrien revendique son bonheur avec sa copine, ses deux chats et son petit chien. « J’ai la chance d’être bien entouré ! » Une chance qu’il provoque aussi au carrefour de nombreux projets. Cet été, il aimerait enregistrer son premier album, Fréquences(*). Il a aussi prévu d’aller sur les routes donner un coup de main à ses copains du groupe Talweg, qui donne dans le « trad poitou-vendéen ». Bref, Ward Hamoush n’arrête pas.
Evidemment, la politique n’est jamais très loin de ses yeux et de ses oreilles. A la « veille » du second tour des Législatives, le futur Français -il a demandé sa naturalisation en 2022 et remplit les critères- a « peur » d’une éventuelle arrivée de l’extrême droite au pouvoir. Lui ne peut pas le faire, mais il exhorte ses proches à « aller voter ». Ce modèle d’intégration se sait « redevable à la France ». Son bras droit laisse apparaître quatre tatouages. Deux représentent les amis, deux autres la famille. « Celui-là, explique-t-il en montrant son poignet, contient les prénoms de mon père, de ma sœur, le mien et le lieu où je suis né. » Cham, un port d’attache qu’il ne reverra sans doute jamais. Son nouvel ancrage dans l’Hexagone lui offre désormais une perspective plus apaisée.
(*)Ward a lancé une cagnotte sur Leetchi.com pour faire aboutir le projet.
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