Thierry Vildary : « On ne fait pas du JO bashing »

Co-auteur de La Face cachée des JO avec Sébastien Chesbeuf et Jean-François Laville, le journaliste poitevin Thierry Vildary s’est plongé dans les coulisses de l’organisation du plus gros événement sportif de la planète. Avec l’objectif de « poser des questions sérieuses ».

Arnault Varanne

Le7.info


Comment avez-vous rencontré Sébastien Chesbeuf, ancien salarié du Comité d’organisation des Jeux(*) 
et licencié par la suite ?
« J’ai couvert les candidatures de Paris à l’organisation des Jeux pour 2012 et 2024. J’ai donc noué des liens avec différentes personnalités du monde de l’olympisme à l’échelle nationale et internationale. J’avais un peu décroché en 2017, mais je me tenais informé des coulisses. J’ai rencontré Sébastien qui m’a raconté son histoire. Par ailleurs, Jean-François (Laville, ancien journaliste au service des sports de France Télévisions, ndlr) a insisté pour qu’on fasse un bouquin de tout cela, les questions de gouvernance, les suspicions d’entre-soi, l’aspect budgétaire... »

Votre livre évoque notamment la cérémonie d’ouverture des JO sur la Seine, le 26 juillet 2024, a priori très risquée...
« C'est là où il y a le plus d’inconnues à l’heure actuelle encore. Ce qui est particulier, quand on se lance dans l'écriture de ce genre de livre, c’est que l'événement n'a pas eu lieu. On est pris en tenaille entre deux injonctions contradictoires : poser des questions sérieuses et légitimes mais ne pas tomber dans le JO bashing ni le catastrophisme. Sur cette cérémonie d’ouverture, quand un spécialiste de la sécurité comme Alain Bauer parle de folie criminelle, ça interroge. Tony Estanguet a passé un an et demi à dire qu’il n’y avait pas de plan B et Emmanuel Macron a dit le contraire en avril. L’Elysée travaille d’ailleurs en direct sur les alternatives. Nous sommes atterrés par le fait que ces gens-là n'ont pas fait d'études d'impact avant de décider cela en décembre 2021. La jauge a par exemple été ramenée de 1 million de spectateurs à 320 000. » 


Paris 2024 promet des Jeux sobres avec un budget à hauteur de 9Md€. Vos estimations tournent plutôt autour de 12Md€. Pour quelles raisons ?
« Il faut voir ce qu’on met exactement dans le budget des Jeux et ce que l’Etat va prendre à sa charge. A Londres, dans une période moins tendue en termes de menaces terroristes, le budget sécurité s’est élevé à 1,1Md€. Je ne vois pas comment, avec une cérémonie d’ouverture en site ouvert et des épreuves au cœur de la ville, on pourra faire moins. Concernant les retombées qu’on nous vend, personne ne peut vraiment les calculer... Il y aura une deuxième mi-temps quand la Cour des comptes va s’y intéresser, sachant que les comptes du Cojo sont l’un des secrets les mieux gardés de la République. Des indicateurs me font dire que la situation est extrêmement tendue. »

Vous pointez du doigt la responsabilité de l’Etat. De quel ordre est-elle ?
« L’Etat a donné une sorte de blanc-seing aux organisateurs des Jeux, qui se sont constitués en association et non en Groupement d’intérêt public, comme c’est le cas pour d’autres grands événements. Les choses ont dérivé sur l'organisation et les finances. On se retrouve dans une situation où on ne peut pas offrir les transports, où le triathlon va peut-être se transformer en biathlon à cause des problèmes de qualité d’eau dans la Seine, où on transporte un immeuble de climatisation à Lille pour transformer le stade Pierre-Mauroy en salle de basket... Ça fait beaucoup ! »

Le comité d’organisation des Jeux s’est-il défendu sur les problèmes que vous pointez ?
« Nous n’avons eu aucune réponse aux questions posées. Nous les publions d’ailleurs à la fin du livre. Chacun se fera son avis. »

Couvrirez-vous les Jeux comme journaliste sportif pour France Télévisions ?
« Oui, j’ai mon accréditation ! Je vais commenter le tournoi de boxe. Je suis d’abord un amoureux du sport et je fais de l’investigation précisément pour aider le sport. »

(*)Il y a travaillé entre 2016 et 2020 comme consultant puis responsable des affaires publiques et des relations institutionnelles. Il a été licencié pour faute, avant que son licenciement ne soit considéré comme « sans cause réelle et sérieuse ». 


La face cachée des JO, par Sébastien Chesbeuf, Jean-François Laville et Thierry Vildary - Editions Jean-Claude Lattès - 216 pages - 20€.

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