Anne van Hyfte Morel, du visible à l'invisible

Anne van Hyfte. 55 ans. Avignonnaise d’origine, Poitevine depuis l’an 2000. Juriste de formation, artiste engagée, et praticienne en hypnose et en maïeusthésie. A développé sa propre acception du « sacré » qu’elle cherche en toute chose et aime partager. Créatrice d’une approche d’audodéfense mentale et émotionnelle.

Claire Brugier

Le7.info

Sur sa carte de visite, Anne van Hyfte Morel est hypnothérapeute, praticienne en maïeusthésie et formatrice en autodéfense mentale, émotionnelle et verbale. Praticienne alliée LGBTQIA+ aussi. Sur le petit rectangle de papier figurent d’autres mentions encore. Il est plein de mots, des mots sérieux comme tous ceux qu’elle note au fil de la conversation, s’absorbant quelques secondes dans leur écriture. « Pour moi, les mots sont de sable. Je suis dysorthographique, glisse-t-elle en guise d’explication. Et bac+8, les deux ne sont pas incompatibles. » Sous une apparente sérénité, la Poitevine d’adoption est aussi hyperactive. Elle a été diagnostiquée jeune, alors que ses deux sœurs et elle vivaient encore en Avignon entre une mère artiste plasticienne et de théâtre et un père engagé dans l’éducation populaire, où il menait aussi des ateliers théâtre. « Quand j’étais petite, je voulais être cascadeuse. » La fillette a fait de l’équitation et de l’escrime. Dès l’âge de 7 ans, elle a appris à manier l’épée, la dague et la rapière jusqu’à devenir monitrice à 14 ans, « l’une des plus jeunes de France ». Quant au théâtre, il a toujours été là. Anne se souvient, à 10 ans, avoir interprété… Duguesclin. « Je n’ai jamais choisi les princesses, sourit-elle, plutôt les rôles non genrés. »


Rattrapée par le théâtre

Ce jour-là, sa combinaison vert pomme a quelque chose d’une armure de chevalier des temps modernes. Or, de combats, la juriste de formation n’en manque pas, tous politiques au sens noble du terme, inspirés par son histoire. « Dans les années 1970, les questions de genre et de racisme semblaient être réglées. C’était l’époque de « Touche pas à mon pote », le mélange des genres était spontané. Puis j’ai vécu le ressac de tout ça, dans les années 1990, raconte l’étudiante de la « génération Mitterrand ». J’ai ensuite connu une deuxième douche froide quand je me suis aperçue des grosses inégalités qui existaient dans le monde de la culture. » Ce n’est pas un hasard si, tout en suivant les cours de théâtre du conservatoire de Montpellier, la jeune femme a fait du droit, 
« cinq ans de droit et tout le reste de travers », plaisante-t-elle. Elle avait alors décidé de troquer son costume de cascadeuse contre l’habit de juge pour enfant. Mais une autre réalité lui a sauté aux yeux : « Le droit offre une ouverture d’esprit qui devrait être à la portée de tout le monde. » Le théâtre a ainsi rattrapé celle qui « adore jouer sérieusement ».


« Prendre le temps de s’occuper de choses sérieuses »

A 25 ans, à Paris où elle a atterri après Montpellier et Rennes, Anne a co-fondé avec son compagnon, artiste costumier et metteur en scène, la Cie Proscenium devenue à son arrivée à Poitiers, en 2000, la Cie Sans titre, une troupe « de théâtre et d’arts mêlés ». Arthur, son premier fils est né peu après Proscenium, le second, Amans, cinq ans plus tard. La petite dernière a vu le jour à Abidjan. Anne l’a accueillie alors qu’elle avait 
16 ans, puis adoptée. Dans son cabinet, parmi les livres, les plantes et les poupées gigognes utiles à sa pratique, des objets trahissent la présence des siens, ici un tableau de son fils, là une sculpture de sa mère... « J’ai besoin de mon clan », 
confie la jeune grand-mère (trois petits-enfants) de… (elle hésite) 55 ans. Je suis née en 69, comme Virginie Despentes. » La référence à l’écrivaine engagée n’est pas anodine. Anne l’est aussi depuis toujours, attentive à « la place des invisibles et des sans-voix ». A ce titre, elle a co-fondé le festival poitevin Egale à égal, qui rassemble « 100% de porteuses de projets et minorités de genre », « pour travailler sur les questions d’égalité et tenter un rééquilibrage symbolique ». 


L’approche Mévip en BD

L’artiste-thérapeute est sans cesse en quête de solutions, pour ce qui est tangible et ce qui l’est moins. Confrontée à un cancer à 39 ans, elle a 
« rencontré l’hypnose ». De fil en aiguille, elle a goûté à la sophrologie, au tai-chi, à la méditation et à quelques autres activités susceptibles d’apaiser sa nature d’hyperactive. Puis, la période Covid aidant, elle s’est formée à l’hypnose ericksonienne et à la maïeusthésie (littéralement 
« l’accouchement du ressenti »). « La santé mentale n’est pas que l’affaire des soignants », assène celle qui a récemment élaboré une approche originale d’autodéfense mentale, émotionnelle, verbale, intellectuelle et physique (Mévip), détaillée dans une BD qu’elle a co-signé avec l’autrice et illustratrice Kei Lam(*). 


Dans le théâtre, la thérapie ou sa relation aux autres, Anne cherche en tout « le sacré », bien loin de l’acception religieuse du terme. « Le sacré est un espace dédié dans lequel on peut prendre le temps de s’occuper de choses sérieuses, de ce qui n’est pas visible ou audible. Ce qui m’anime, pour reprendre le Petit Prince, c’est l’essentiel qui est invisible pour les yeux. » 


(*)Défends-toi toi-même, aux éditions de L’Iconoclaste, 116 p. 20,50€, sortie le 2 mai. Dédicace au Roof, à Poitiers, le 5 juillet de 18h à 21h.

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