Grand Poitiers met ses données à disposition du public depuis huit ans mais les usages restent mitigés. Le site vient d’être modernisé pour simplifier l’accès à cet outil d’innovation, et même de contre-pouvoir.
On entend souvent parler des vols de données personnelles. Ce que l’on sait moins, c’est que des millions de données sont mises à disposition du grand public gratuitement et en toute légalité. Toutes les plus grandes agglomérations de France ont créé leur plateforme de consultation. Ici, data.grandpoitiers.fr a vu le jour en avril 2016. A l’époque, la collectivité et beaucoup d’experts imaginaient que de nombreux développeurs allaient puiser dans ces données libérées pour concevoir des applications capables de faciliter la vie quotidienne des Poitevins. Aujourd’hui, on constate que la réalité est plus nuancée.
A Poitiers, il est possible de connaître en temps réel les places libres dans les parkings souterrains. Idem, Better Bus, une autre appli réalisée par un jeune étudiant en informatique, permet d’obtenir l’heure précise d’arrivée de son bus, en tenant compte du trafic. Et c’est tout ! Enfin, pas tout à fait.
« Les usagers ne sont pas obligés de nous dire ce qu’ils font des données, on ne connaît pas toutes les réutilisations », souligne Sylvie Le Mat, animatrice open data pour Grand Poitiers. Certaines données publiques locales sont aussi « aspirées »
par des serveurs nationaux qui analysent la qualité de l’air, l’évolution des prix de l’immobilier ou des carburants. « Beaucoup de chercheurs et d’étudiants nous sollicitent »,
poursuit l’experte qui assure « fournir toutes les données quand elles existent ».
219 jeux de données sont actuellement en ligne. Consciente néanmoins de l’aridité de certains tableaux de données, l’agglomération a retravaillé ces derniers mois les outils de recherche et de visualisation sur son portail. Et continue d’organiser des
« Datasandwichs », réunions sur la pause déjeuner qui abordent chaque mois un sujet à travers les données disponibles.
S’inspirer de Rennes
La semaine dernière, Samuel Goëta était l’invité de l’un de ces rendez-vous du midi. Cofondateur des Datactivistes, collectif qui milite pour une ouverture totale des données, il a particulièrement insisté sur un point : si nos données personnelles valent de l’or, les données publiques en libre accès constituent un outil puissant de démocratie. Ce chercheur et militant en a même fait un livre(*). « Les citoyens doivent se saisir des données pour proposer de nouvelles interprétations des politiques publiques, c’est un vrai contre-pouvoir. » Récemment, les données de fréquentation du centre-ville de Poitiers ou encore celles du trafic dans le Pont-Neuf avant les travaux ont été mises en ligne. De quoi alimenter le débat. Reste à faire en sorte que les citoyens s’en saisissent...
En la matière, la métropole de Rennes n’hésite pas à aller chercher les usagers en lançant régulièrement des appels à projet thématiques assortis d’un accompagnement humain et financier. « La collectivité joue le rôle d’animateur de l’éco-système, souligne Yann Huaumé, vice-président au Numérique. Sur la base d’un cas d’usage concret, on réunit tous les partenaires intéressés pour travailler les données. »
Les data (500 jeux) ne proviennent pas uniquement de la métropole mais de
40 « producteurs » parapublics, associatifs ou entreprises. Une véritable stratégie territoriale a été élaborée avec des règles de partage. De quoi inspirer les voisins poitevins.
(*)Les données de la démocratie, pouvoir et contre-pouvoir (C&F éditions).