mardi 24 décembre
Le Regard de la semaine est signé Patrice Roy.
Je dois l’avouer, j’ai une addiction ! Plusieurs fois dans l’année, je quitte ma maison, mon épouse adorée, mon train-train quotidien et je pars. Oh, pas pour très longtemps, une à deux semaines, mon bâton à la main et le sac au dos, je pars rejoindre un Chemin de Compostelle, en France, en Espagne, qu'importe ? L’important est de cheminer. Notez que je n’utilise pas le terme « faire » le Chemin de Compostelle, je l’abhorre ! Quel orgueil, les anciens diraient outrecuidance, de vouloir « faire » le Chemin, une ville, un pays. Le Chemin, bien modestement, je l’emprunte sans même y laisser mon empreinte, ou si peu.
Dès mes premiers pas, j’y suis « chez moi », quelques heures, la première journée et je trouve, je retrouve sur ce chemin la sérénité. Cheminer, pour moi, consiste à exercer, attiser, exacerber mes cinq sens. La vue de paysages variés, de matins rougeoyants sublimes, de bourgs remarquables, de maisons pittoresques qui jalonnent le Chemin et ses décharges sauvages ou les zones commerciales hideuses. L’ouïe avec le chant des oiseaux le matin, la voix d’un ami, sans oublier les ronflements la nuit. Les odeurs, ce sont celles de la forêt après une pluie d’été, du foin qui sèche, de la soupe fumante sur la table et l’épandage du lisier ou les fortes odeurs corporelles d’un dortoir surchauffé. Le goût, c’est la bière dégustée à l’arrivée de l’étape, la friandise achetée à la boulangerie, les cerises cueillies en chemin et les sardines avalées sous la pluie, les jours de galerne. Le toucher lorsque tu caresses un chat qui ronronne, la sieste sur l’herbe et les pieds meurtris sur la route brûlante.
Il existe un sixième sens, le plus important à mes yeux : la rencontre avec les autres. Celui que je recherche sur ces chemins avec les hommes et les femmes, adolescents ou d’âge canonique, riches ou pauvres, cabossés ou fringants, Français ou venant du bout du monde. Ces rencontres, ces partages, m’enrichissent infiniment. Oh, ils se révèlent rarement à la première entrevue, il faut lever le nez de son téléphone, s’apprivoiser, s'efforcer de comprendre une langue étrangère, ne pas s’attacher à la tenue, se montrer empathique sans coller ni sourire, surtout sourire de ce sourire qui brise la glace.
De nombreuses rencontres, pourtant éphémères, restent si présentes dans ma mémoire. Hans, Danois rencontré après plus de 3 000km d’errance en solitaire, si heureux d’enfin échanger, Zuzana, la jeune Tchèque si réservée, Jenifer, son grand sourire et sa volonté farouche, Reidar le Norvégien amoureux de la vie et bien sûr Alessandro, l’italien devenu l’un de mes meilleurs amis. Je revois furtivement dans ma mémoire Ueli, Steve, Marianne, Pisar, Merijne, Dong-Uk et tant d’autres qu’un livre n’y suffirait pas. C’est vrai j’ai une addiction, j’arrête d'écrire, je dois aller boucler mon sac...
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