Aujourd'hui
Alain Arguillat. 70 ans. Militaire de carrière à la retraite. Compte 37 ans d’armée, 44 ans de bénévolat et plus de 50 ans de rugby, une passion qu’il n’a jamais cessé de transmettre. Aime l’aventure quand elle est collective.
« Je voulais voir l’Afrique quand même ! » Ce qui fut fait. De février à juin 2008, le Sancto-Bénédictin d’adoption Alain Arguillat a été envoyé en Côte d’Ivoire pour une dernière mission, dans le cadre de l’opération Licorne. « Quatre mois, 40 heures d’hélicoptères, 27 heures d’avion », comptabilise le militaire de carrière, 70 ans tout ronds, à la retraite depuis 2009. « J’y ai vu des trucs de dingue. » De sa mémoire incroyablement précise surgissent les souvenirs de ses 37 ans de service dans l’armée de terre, prolongés de dix ans de réserve de 2010 à 2020.
Destination les Terres australes
Une enfance du côté de Valence, un père paysagiste, une mère au foyer, des années chez les Francs et franches camarades à Bourg-lès-Valence, il n’y avait pas trace d’uniformes dans l’entourage du jeune Drômois et de ses frères, mais il a suffi d’une contrariété… A 16 ans, Alain s’imaginait faire carrière à EDF. Il a décroché le concours de cadre technique. Malheureusement, la porte de l’école Sainte-Tulle est restée fermée. « Inapte médicalement. » De dépit, le jeune homme s’est engagé dans l’armée, l’école du matériel de Châteauroux d’abord, puis l’école technique de Bourges et une première mutation dans le 415e bataillon de commandement et de soutien de Verdun, comme maréchal des logis au poste de mécanicien d’engins blindés. Il y est resté trois ans. « J’ai passé quelques week-ends à nettoyer les champs de bataille », sourit-il. Il y a aussi rencontré Evelyne, sa future épouse et mère de leurs enfants, Claire, Julien et l’aînée, Marion, comme… le Marion Dufresne. Alain a fait sur le navire français servant au ravitaillement des Terres australes et antarctiques françaises son premier voyage au long cours, en janvier 1977. L’ancien militaire se souvient : l’escale de deux jours à La Réunion, les six heures à l’aéroport de Djibouti bientôt indépendante, puis les « quatorze jours de mer » avant de rejoindre les « hivernants », des scientifiques, techniciens, volontaires à l’aide technique et militaires, comme lui.
« C’est la retraite qui m’a rendu malade ! »
Là-bas, lorsqu’il ne s’occupait pas des engins de travaux, il assistait bénévolement les médecins de l’hôpital de Port-aux-Français. « J’ai fait comme ça une appendicite et une amputation ! » Alain n’a pas oublié cette première expérience dans l’océan Indien, ni la seconde d’ailleurs. Entre les deux, il a été muté à Draguignan (1978-1982), près du camp miliaire de Canjuers, mais « il y avait une très mauvaise ambiance ». C’est ainsi que le jeune marié a laissé sa femme et sa fille d’1 an le temps d’une nouvelle mission dans les Terres australes. Il a passé les six premiers mois à Kerguelen, « puis j’ai été déporté à Crozet. Le téléphérique était effondré, il fallait refaire la route ». Alain raconte dans un petit livret d’une quarantaine de pages cette Aventure humaine à Crozet. A une demi-douzaine, ils ont tracé une route. « Il y avait 400m de dénivelé et en bas une manchotière avec 500 000 manchots », se remémore le « M. Explosifs » de l’équipe, très attaché à ce « souvenir inoubliable qui a forgé des amitiés ».
Il sauve une femme de la noyade
A son retour, il est nommé à Bourges, instructeur sur des blindés, puis lieutenant à Miramas (Bouches-du-Rhône) et, quatre ans plus tard, capitaine à Auneau (Eure-et-Loir) où il décide de prendre de nouvelles responsabilités… dans le rugby, monde qu’il fréquente depuis Valence.
« Ça m’a coûté un genou et mon brevet de pilote d’hélicoptère ! » Président de club, formateur, élu au comité départemental d’Eure-et-Loir… « Ma femme me voyait le dimanche ! », plaisante-t-il. « Quand il n’y avait pas match… »,
précise Evelyne, sans rancune. Mais son militaire de mari n’en avait pas fini avec les voyages. Cette fois-ci, il a emporté son ballon ovale en Guyane, où il a mis en place un mini-championnat à sept avec le Guyana, le Suriname, le Brésil, la Martinique et la Guadeloupe. Arrivé le 20 juillet 1998, « juste après la Coupe du monde » et rejoint dès le 15 août par sa famille, il est resté deux ans dans le 9e RIMa. « On a passé la fin du monde là-bas », plaisante Evelyne.
En 2000, le militaire a été affecté à Versailles et enfin à Poitiers en 2005, la 13e mutation du lieutenant-colonel Arguillat, avant qu’un méchant lymphome le plonge trois semaines dans le coma. « C’est la retraite qui m’a rendu malade ! »,
s’exclame-t-il. Doté d’un « moral d’acier » -dixit son épouse-, Alain était encore sous chimiothérapie lorsque, le 1er mars 2009, il a sauté dans le Clain pour sauver une automobiliste. « L’eau était à 12°C, je n’ai pas traîné pour la récupérer ! » Aujourd’hui, il est vice-président des Sauveteurs de la Vienne, entre autres engagements au sein de l’Union nationale des combattants, du Stade poitevin rugby… Au total quarante-quatre années de bénévolat qui lui ont valu en janvier la médaille grand or du bénévolat associatif, une de plus à sa déjà vaste collection. « Il manque juste la Légion d’honneur », plaisante l’heureux « papi ronchon » de cinq petits-enfants, jardinier à ses heures perdues, qui a toujours aimé transmettre aux autres, avec rigueur et humour.
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