Sébastien Mounition, vivant

Sébastien Mounition. 46 ans. Veuf, papa solo, ingénieur converti à la sophrologie. Inventeur dans l’âme et par héritage. Créateur du R’Stone, un moulinet à ricochets. Croqueur de vie et amoureux de l’instant présent.

Claire Brugier

Le7.info

« Qu’est-ce que je suis heureux de me lever le matin… » 
Sébastien Mounition n’est ni naïf ni ingénu. A 46 ans, le Provençal d’origine, installé à Bonneuil-Matours depuis 2005, cultive au contraire la pleine conscience. Ces dernières années particulièrement douloureuses ont fait de lui un veuf. Entre octobre 2021 et mai 2022, il a vu sa femme hospitalisée, alitée, ne plus être capable de gestes aussi simples que boire un verre d’eau. Alors le papa solo de deux garçons de 12 et 
16 ans le répète : « Qu’est-ce que je suis heureux de me lever le matin ! » Certains réveils sont plus compliqués que d’autres. « Je me demande où je suis, pas physiquement mais par rapport à ce que j’ai vécu. » 
Puis, rapidement, l’ancien ingénieur qualité en nouveaux produits se reconnecte au présent. « Quand on arrive à vivre pleinement le moment, on inverse la tendance, on ne va pas plus chercher les choses, on les laisse venir à soi, on vit. » 
Sur son visage, un large sourire dit tout. Assis en bord de Vienne, sur un banc ombragé du parc de Crémault, il marque une pause, goûte l’instant et jette sur son passé un regard résilient, convaincu malgré tout que « c’est dans la souffrance qu’on avance le plus ». 


« Je n’étais plus bien dans cette vie »

Son histoire a commencé à Montfavet, un petit village aujourd’hui avalé par l’agglomération avignonnaise. « J’ai eu une chance inouïe ! Je suis fils unique, j’ai eu des parents aimants, je n’ai jamais manqué de rien. » Un DUT tech de co, un bachelor puis un DESS analyse et qualité, l’étudiant s’est préparé avec application un avenir d’ingénieur et il s’y est longtemps conformé. Rentré à 27 ans chez l’équipementier automobile Valéo, le fils de fonctionnaires a fait carrière dans l’industrie. Il a connu des hauts, quelques burn-out aussi, et finalement tout quitté en avril 2021 en refermant la porte de Fenwick, à Cenon-sur-Vienne. « Je n’étais plus bien dans cette vie, elle ne me correspondait plus, il n’y avait pas assez de liberté, trop de contraintes et d’énergie gâchée. » L’ingénieur est donc devenu… sophrologue. Il a ouvert son cabinet en octobre 2022. 


« Cela fait vingt ans que je chemine sur moi-même, confie Sébastien. Toute ma vie, j’ai cherché entre le trop et le pas-assez. La sophrologie, c’est passer du mode automatique au mode manuel, ça m’apaise. » 
Tout comme faire des ricochets. Ses premiers souvenirs remontent à l’enfance, aux côtés de son père, avec les galets de la Durance, « exceptionnels ! ». 
Aujourd’hui encore, le quadragénaire à l’âme d’enfant ne manque pas une occasion de faire rebondir des cailloux plats à la surface de l’eau. Il en a même fait un jeu, R’Stone, lancé en juin dernier. L’idée est née lors d’une partie de ricochets au bord du Vernazon, du côté de Saint-Cirgues-en-Montagne, et d’une question : « Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas récupérer ma pierre ? » Sébastien a répondu par une invention. « J’ai toujours voulu inventer. Mon père inventait sans cesse ! Que ce soit en plomberie, électricité, soudure, électronique, carrosserie… Je ne l’ai jamais vu déstabilisé. » Lui a imaginé un moulinet à ricochets. Puis il l’a oublié dans un carton, pendant sept ans. « Aujourd’hui je veux aller jusqu’au bout de ce jeu, sans culpabiliser. Parfois on se bride et on se perd. » Bien plus qu’un simple rêve de gosse, le R’Stone est « un accomplissement », résume Sébastien, fier d’avoir « inventé quelque chose qui n’existait pas ». « Ce jeu a une histoire, des valeurs, il invite à se reconnecter à la nature. » 


S’extraire du tourbillon

Chaque R’Stone(*) est unique, façonné manuellement à partir du recyclage de tuiles en terre cuite ou d’ardoises, de bois des Landes et d’inox pour éviter l’oxydation. Seul le moulinet est « made in China », faute de mieux. « Je dis aux clients : ne le modifiez pas ! Mais je pense : 
faites-le ! On dit trop souvent aux gens de ne plus faire, ne plus se promener en forêt, ne plus boire une bière, ne plus faire l’amour… » Sébastien veut faire, mais sans boulimie. Il veut « prendre le temps de s’extraire du tourbillon et accueillir l’instant d’après ». « Je croque la vie, lâche-t-il. Et il m’arrive des choses formidables ! J’ai trouvé mon âme sœur, sans chercher ». 
Les flèches de l’Amour ont traversé son écran lors d’une visio-conférence, preuve qu’« il ne faut pas fuir la technologie mais l’accueillir pour magnifier l’existence ». Sur ce thème, l’amateur de mangas, inconditionnel de Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki, s’est même fendu d’un roman jeunesse de science-fiction mêlant IA et sophrologie sur fond de relations fraternelles. Il travaille désormais, à quatre mains avec sa moitié, sur le récit de leur histoire. 
« Je n’aurais pas su apprécier ma relation avec cette nouvelle personne sans ce que m’a apporté mon épouse. L’amour, c’est être en capacité d’apprécier le présent comme si ces instants étaient les derniers. » 
Sur son portable, Sébastien se prend soudain à chercher une chanson. La voix déchirée de Loïc Nottet -Mr/Mme- couvre le bruissement des frondaisons. Re-pause. « Ce sont les moments de la vie qui nous font nous sentir vivants. »


(*)R’Stone est disponible sur rstonericochet.fr. et à l’Articerie, à Migné-Auxances.

À lire aussi ...