Emilie Beau tient bon la barre

Emilie Beau. 45 ans. Directrice générale de l’association Hermione-La Fayette. Poitevine d’origine, attachée à ses racines. Navigue dans la Nouvelle-Aquitaine au gré des opportunités professionnelles. Face à l’un de ses plus grands défis : réunir 10M€ pour restaurer la frégate. Même pas peur.

Arnault Varanne

Le7.info

La conférence de presse du 12 octobre ressemblera sans doute un peu à « SOS d’une terrienne en détresse ». Quoiqu’il ne s’agisse pas pour Emilie Beau de sa propre survie, mais bien de celle de L’Hermione, un monument en péril que seuls 10M€ pourront sortir de la cale sèche dont il est « prisonnier » depuis septembre 2021. La faute à un champignon qui ronge 7% de la coque en bois. « On a plutôt l’habitude de mettre 500 000€ par an pour sa maintenance... », 
explique la directrice générale de l’association Hermione-
La Fayette (16 salariés). Ce 
12 octobre donc sonnera comme un jour de reconquête, d’explications aussi, et d’appel aux dons, nécessairement. « Il faut fédérer les énergies, les pouvoirs publics, le grand public, les mécènes privés, l’Etat ! » Face aux vents contraires, la Poitevine s’accroche au bastingage avec une conviction tenace. Pas par orgueil personnel, assure-t-elle, mais parce que L’Hermione est « un défi collectif ». « Je ne connais pas beaucoup de projets qui font autant rêver. Moi, c’est ce qui me fait lever le matin. Je ferai tout pour que ce bateau navigue à nouveau. » L’horizon 2025 semble tenir la corde... si la générosité suit.

Savoir naviguer

La réplique du trois-mâts-carré, elle l’a découverte comme beaucoup, « à l’adolescence », 
au détour d’une visite dans l’arsenal de Rochefort. C’est là que des centaines de bénévoles ont œuvré au cours de dix-sept longues années, avant la mise à flot de L’Hermione en 2014, puis sa traversée mythique de l’Atlantique, deux ans plus tard. Emilie Beau n’est pourtant pas à proprement parler une fille de la mer. « Disons que le monde maritime est le support de l’aventure », sourit-elle. La fille d’entrepreneur du bâtiment et de secrétaire dans le service public a grandi à Iteuil, fréquenté le collège de Vivonne, puis le lycée du Bois d’Amour, sans réelle boussole professionnelle. « J’ai choisi la pub un peu par hasard, en descendant les marches du hall du Bois d’Amour vers un carrefour de l’orientation. » Une affiche attire son œil. Banco pour l’IUT marketing-communication de Bordeaux. « A l’époque, j’avais le choix entre Bordeaux et... Rochefort. » L’appel du large, déjà. Mais Emilie choisit la capitale comme premier marchepied dans la vie active. L’expérience tourne court. La pub, « un univers trop superficiel et qui ne correspond pas à mes valeurs ». 


Son « instinct » l’a ramenée vers l’Aquitaine, dans un institut d’études qualitatives, comme chargée d’études. Elle n’a a priori pas le profil mais se fond dans le décor neuf ans durant. 
« On n’a pas toujours besoin de devenir une spécialiste, seulement de comprendre et de savoir s'entourer. » Les études « quali » 
mêlent sociologie et anthropologie et permettent de « rencontrer des gens très différents, d’apprendre, de contextualiser ». L’expérience l’a marquée positivement, puis le train du changement est passé, sans qu’elle n’ait trop à patienter sur le quai. « On est venu me chercher, un copain de promo de l’IUT en poste au Conseil régional. » Du privé au public, le yin et le yang. « Sans expérience dans un cabinet politique », Emilie Beau enfile le costume de responsable des relations publiques de l’Aquitaine. Elle sera ensuite de l’aventure de l’Aérocampus pendant plus de cinq ans. La grande fierté d’Alain Rousset. Un vrai plus sur un CV de son côté. L’aéronautique, l’industrie, le maritime... Des secteurs d’activité plutôt masculins où la mère de famille (un garçon de 18 ans) n’a jamais senti de procès en illégitimité. 
« A titre personnel, ça n’a pas été un sujet. A mon sens, il faut plus inciter que militer. Le travail doit être un objet d’épanouissement et de réalisation. La question de l’égalité hommes-femmes se joue bien avant les études supérieures. » 


Boulot, boulot

Celle qui partage son temps entre Rochefort et Bayonne revient régulièrement à Mauprévoir, où ses racines sont profondes. L’occasion, à chaque fois, de décompresser d’un quotidien forcément stressant. Dans une période morose, elle insiste sur la dimension fédératrice du gréement, « transgénérationnel », « fascinant ». 
Le boulot n’est jamais très loin, d’autant qu’il est question de la mise en place d’un chantier-école de grande ampleur au chevet de L’Hermione. En clair, de transformer une épreuve en opportunité. Le « dire » en « faire ». « Tenace », 
« endurante », sans doute « trop directive », Emilie Beau trace son sillon sans se retourner. Elle le répète une dernière fois : « Je ferai tout pour que ce bateau navigue à nouveau. » Son SOS aura alors été entendu.

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