Olivier Pouvreau vous embarque cette saison au plus près du vivant, dans un univers qu’il affectionne tant.
On devrait pouvoir entrer dans la nature comme dans un rêve, sans orientation ni balisage, simplement en impressions spontanées. Il en va d’un plaisir spécial, celui de la découverte et de l’exploration directes d’une prairie abandonnée, d’un bois de chênes rabougris, d’une mare nichée au creux d’un vallon… Quelques-uns s’y adonnent sans peur, confiants à l’égard du rocher, de la guêpe ou de la ronce. D’autres -une majorité- ne s’y risquent pas sans un minimum de garde-fous, préférant une nature zonée, enclose, sécurisée. En voici des exemples : un parc national, une réserve naturelle ou un jardin public « favorable à la biodiversité » ne sont jamais avares en signalétiques rassurantes. Elles accueillent le promeneur en marquant involontairement tant son
« entrée » dans la nature que sa
« distanciation sécurisante » vis-à-vis d’elle. La signalétique, c’est l’assurance que « l’homme civilisé »
a posé sa patte sur une nature par essence trop libre. S’engager dans une nature signalisée, c’est ainsi goûter ensemble la nature et son contraire, c’est se frotter dans le même temps au spontané et au contrôlé. Cette position schizophrénique relève d’une manifestation typique de notre rapport occidental à la nature : de la nature, certes, mais moins vivable que visitable. Pour notre propos, saisissons ce qu’écrivait Guy Debord en 1967 dans La société du spectacle à propos de la vie des sociétés modernes : « Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation. »