Aujourd'hui
Marie-Claude Deudon. 76 ans. Danseuse professionnelle, ancienne directrice du Centre d’études supérieures musique et danse de Poitiers, l’actuel Pôle Aliénor. A grandi dans les silences. A embrassé un autre mode d’expression qu’elle aime partager.
Marie-Claude Deudon habite derrière une grande porte verte, à quelques rues seulement du conservatoire régional de danse de Poitiers. Un hasard, assure-t-elle. Drôle de hasard pour une danseuse-née, dont le nom a longtemps résonné dans les couloirs du conservatoire et au Centre d’études supérieures musique et danse (CESMD), l’actuel Pôle Aliénor. Aujourd’hui encore, à 76 ans, Marie-Claude anime un atelier adulte hebdomadaire. « Et je me régale ! », lâche-t-elle, jamais lassée. Soixante-dix ans qu’elle danse ! « A 6 ans, on m’a inscrite à des cours. J’ai su que c’était ça ! J’avais trouvé un moyen de m’exprimer, une espèce de parole du corps. » Il s’agissait moins pour elle de réaliser un rêve de petite fille que d’une nécessité. « J’avais des parents qui ne parlaient pas beaucoup... », esquisse-t-elle, laissant la phrase en suspens. Derrière ces trois petits points se cache l’origine de cette vie dansée : le silence. Marie-Claude, originaire de la région parisienne, l’a racontée dans La Jupette bleue (L’Harmattan), fruit autobiographique d’un atelier d’écriture. « Je ne voulais pas parler de moi, juste aborder la question de la naissance d’une vocation. » L’écrire est une chose, la dire une autre.
Un autre langage
Assise dans son petit jardin abrité de hauts murs, Marie-Claude laisse traîner les silences, sourire aux lèvres, en tirant sur sa cigarette électronique. « J’ai beaucoup, beaucoup fumé », confie-t-elle de sa voix un peu rauque. Re-silence. Son langage à elle, c’est la danse, depuis toujours. La fillette a d’abord goûté au classique. « C’était trop tôt, mais à l’époque il n’y avait pas grand choix, ou alors underground. » Marie-Claude remonte le temps. « C’était la sortie de la guerre, tout était à reconstruire. Je suis encore surprise que mes parents m’aient laissée faire de la danse. » Son père était électricien, sa mère à la maison. Pudique, l’aînée d’une fratrie de deux enfants les évoque silencieusement dans son livre, plus difficilement à voix haute.
« Je ne suis pas une aventurière dans l’âme »
A 9 ans, avec quelques autres jeunes danseuses, la fillette participe à l’émission télévisée La Parade du jeudi, animée par Jean Nohain, pour la plus grande fierté de ses parents. Elle poursuit. « Le plus pénible, c’était d’enfiler le tutu. Pour le reste, il faut arrêter avec la douleur des danseurs et des danseuses ! » Quelques années plus tard, elle décroche un premier prix au conservatoire, direction le Théâtre des arts de Rouen, l’Opéra de Nice, l’Opéra-Comique à Paris… « Un hasard, amorce-t-elle. Le régisseur cherchait une remplaçante pour une tournée en Espagne. » L’affaire s’est conclue au café, sur un coin de table, et Marie-Claude y est restée quatre ans avant de fonder avec son compagnon le Théâtre d’images, sa propre compagnie. « On a joué au Théâtre de la Ville, à celui de la Bastille -la Roquette à l’époque-, au festival d’Avignon, à Aix-en-Provence… » La liste est longue, les dates toujours floues. « Il ne faut pas me les demander. Et je ne fais pas d’effort ! », s’amuse-t-elle.
Des rencontres
Avec la danse, Marie-Claude a aussi franchi quelques frontières, vers l’Italie ou l’Allemagne. « Je ne suis pas une grande voyageuse. Je crois que je ne suis pas une aventurière dans l’âme, ou alors avec les personnes. La danse est quelque chose qui amène une sociabilité magnifique, entre les professionnels ou avec les amateurs. Il y a à la fois de l’écoute, du toucher. On est dans la rencontre de l’autre. »
La quarantaine passée, la danseuse a décidé de passer le Certificat d’aptitude aux fonctions de professeur de danse. Elle a enseigné à Lillebonne (Seine-Maritime) jusqu’à l’ouverture d’un poste au conservatoire de Poitiers. Sous la direction d’Eric Sprogis, « un homme très passionné et intéressant », elle a créé un véritable département danse, ajoutant le contemporain au classique. Par la suite, elle a pris la direction du CESMD, entre autres. Maman d’un fils et grand-mère de « deux petites-filles adorables » de 22 et 25 ans, Marie-Claude n’a jamais cessé de danser. « Ça me nourrit, c’est très créatif. Avec l’âge, on perd son potentiel physique mais un corps qui a été mis en éveil en dansant est vivant, il ne s’endort pas. » Derrière les lunettes bleues, le regard est bleu aussi, rieur. Quand elle ne danse pas, elle écrit. « Je n’ai pas de projet d’édition, je remets de vieux textes au goût du jour, je prends mon temps. L’écriture ressemble à la danse, il y a des phrases, des accents, le rythme aussi… » Et surtout, pas besoin de parler, comme dans la lecture et le jardinage. Dans la vie de Marie-Claude, un silence chasse l’autre.
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