Mathieu Saladin. 58 ans. Co-organisateur du Lezart Festival chez lui, à Vicq-sur-Gartempe. Musicien porté sur l’ouverture aux artistes féminines. Signes distinctifs : tolérant et ouvert d’esprit.
Il est connu sans vraiment l’être. Si la réputation de l’artiste n’est plus à faire, l’homme, lui, reste un mystère. Direction Vicq-sur-Gartempe, où vit Mathieu Saladin, producteur de musique de 58 ans. Il s’est installé ici il y a une trentaine d’années pour élever ses enfants loin de la foule parisienne. Chez lui, assis sur son canapé, dans une maison située au milieu des bois et non loin d’une réserve de chevreuils, le musicien accepte de se dévoiler. Derrière cette grande silhouette à la courte barbe grisonnante, se cache un être chaleureux, bienveillant, très calme, mais surtout tolérant.
Il a fait de l’acceptation de l’autre et des différences un fondement de vie. Ses deux enfants, Natacha et Lazare, confirment. « Il est même parfois trop tolérant », concède sa fille. A la fin des années 2010, lorsque ses deux amies Sandra Boissy et Cinthya Eury, créatrices de la société d’événements lesbiens The Lez Team, lui proposent de les aider à organiser le Lezart Festival, il accepte volontiers. L’objectif étant de faire connaître des artistes féminines peu représentées sur scène. « Pour moi, la première discrimination a toujours été l’inégalité entre les femmes et les hommes. » Ses deux enfants lui ont emboîté le pas comme bénévoles. Et le festival a été une véritable réussite car il a réuni fin août 1 300 personnes : soit dix fois plus que lors de la première édition.
Une cicatrice
La musique, une forme de catharsis ? Pour Mathieu Saladin, cela ne fait aucun doute. Et il est encore et toujours question de tolérance. « Dans mon enfance, à cause d’une cicatrice, j’ai été victime de brimades. » Son orientation professionnelle s’explique aisément. « Je voulais aborder un art qui puisse s’entendre les yeux fermés. » Et il a été à bonne école. « Plus jeune, j’ai vu mon frère et ma sœur prendre des cours de piano. J’ai pu apprendre les notes en même temps. »
Mathieu Saladin évoque sa carrière professionnelle avec bonne humeur, en dépit de la rupture avec son ex-femme et chanteuse Myriam Roulet, dite RoBERT, survenue il y a près de sept ans. « J’ai été son compositeur, arrangeur et producteur de 1990 à 2017. Ces 27 années m’ont comblé artistiquement parlant. » Cela ne l’a pas empêché de conserver de bons rapports avec elle. Complexe, cette situation de célibataire l’a toutefois contraint à apprendre à vivre seul. « Je lance un appel aux femmes de Poitiers ! », plaisante-t-il, sourire aux lèvres.
Des hauts et des bas
S’adapter à une vie solitaire est une chose, produire seul en est une autre. « J’ai dû apprendre à travailler sous mon propre nom et à imaginer des projets. » Une action souvent difficile à réaliser. « Créer, c’est prendre le risque de sortir quelque chose de nul. Mon ex-femme était souvent blessée par les critiques négatives. C’est pourquoi il ne faut pas se focaliser uniquement là-dessus », constate celui qui a déjà deux albums à son actif.
Au-delà des propos acerbes dont sont parfois victimes les musiciens, plane aussi l’incertitude financière. « Par le passé, j’ai dû aller aux Restos du Cœur », raconte le quinquagénaire, sobrement vêtu d’un pantalon, d’une veste et de chaussures en cuir. Heureusement pour lui, plusieurs mois plus tard, grâce à une publicité tournée chez Givenchy, la tendance s’est inversée. « La vie d’un artiste n’est jamais plate. Un créateur doit sans cesse avoir les aiguilles qui piquent. » Et lorsqu’une œuvre vient d’être réalisée, il est difficile de repartir à zéro. « Un projet de création prend toujours du temps et peut durer plusieurs années. Pour autant, l’embourgeoisement, le fait de ronronner dans sa création et financièrement peut nuire. » Qu’importe ! « Je préfère prendre des risques, sortir de ma zone de confort et produire une œuvre singulière, même si je n’ai aucune certitude de rencontrer le succès. » Rester dans une bulle où l’on produit uniquement des choses qui fonctionnent, cela ne ressemble pas du tout à Mathieu Saladin. Une incertitude pécuniaire qu’il accepte volontiers.