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Le menu de Sébastien Boireau
Chef du restaurant gastronomique Papilles, à Poitiers, Sébastien Boireau vous propose un repas de fête réussi pour tous les porte-monnaie.
Wilguens, la vingtaine, est Haïtien. Arrivé en août dernier pour suivre un master de géographie en gestion et développement des territoires, il occupe en parallèle un job d’agent de service dans un hypermarché de Poitiers. Vingt-et-une heures hebdomadaires à nettoyer et préparer le magasin pour accueillir les clients de la journée. Autant dire que cette expérience n’a rien à voir avec l’image idyllique des séjours Erasmus, popularisée par L’Auberge espagnole de Klapisch. Mais elle existe et pour le faire savoir, Wilguens a décidé de participer à l’atelier « Filme ton job étudiant », organisé chaque jeudi en fin d’après-midi sur le campus. Les premières images qu’il a filmées avec son smartphone le montrent se rendant à son boulot, de nuit dans le froid. « Mon réveil sonne à 4h tous les jours, je travaille de 5h à 8h30 et ensuite j’enchaîne sur mes cours, explique le jeune homme avant de décrire sa note d’intention. Je veux montrer la France qui se lève tôt pour bosser et qui fournit beaucoup d’efforts. »
Pendant cet atelier dirigé par le réalisateur Yves Gaonac’h, les participants évoquent leur propre parcours à tour de rôle. Maria, jeune Ukrainienne débarquée juste après l’invasion de son pays par la Russie, n’a rien d’autre pour vivre que son emploi de serveuse au resto U. De son côté, Charles cumule deux postes en plus de son master d’assistant à la mise en scène. « Dans mon film, j’aimerais parler à la fois de l’aliénation par le travail et des opportunités d’avoir un travail-passion. » « Filme ton job étudiant » fait partie d’un cycle d’animations organisé par l’université autour de la thématique « Je travaille pour étudier » (lire ci-contre). En 2018, 35% des étudiants inscrits au sein de l’établissement poitevin déclaraient avoir un job alimentaire, 60% des master 2. « Aujourd’hui, avec la pandémie et la précarité des familles, je suis convaincue que c’est davantage encore, souligne Sybille Lajus, vice-présidente en charge de la Vie étudiante, de la Culture et du Sport. Nous avons imaginé ce cycle pour que les étudiants puissent s’exprimer, connaissent leurs droits et sachent qu’ils ne sont pas seuls. » « C’est aussi intéressant pour nous car les échanges font remonter des problématiques que nous devons résoudre », poursuit Céline Magnant, directrice de la Maison des étudiants, également dans la boucle.
Point positif, un job étudiant n’est pas forcément néfaste à la réussite des étudiants. Il peut même avoir des effets bénéfiques insoupçonnés. « Lorsque l’emploi est correct, c’est un plus pour les étudiants, c’est pour cela que l’université aide ceux qui le veulent à en trouver un, assure Sybille Lajus. A titre personnel, j’ai encouragé mes enfants à travailler. » Ce n’est pas Daphnée, 23 ans, nouvelle chargée de projet culturel à la MDE qui dira le contraire : « J’ai bossé dans l’animation auprès des enfants et occupé plusieurs postes au Futuroscope. J’ai appris le sens du contact et à être à l’aise à l’oral. J’avais des choses à dire en entretien. » De son côté, Wilguens est confiant lui aussi : « J’abandonne rarement, mon emploi ne m’empêchera pas d’assurer mes obligations académiques. » Reste à profiter davantage des soirées étudiantes. Son film, comme ceux des autres, sera diffusé le 4 avril à 19h au Dietrich dans le cadre du festival Filmer le travail.
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