La reine 
du virtuel

Ekaria Imhaus, 45 ans. Dirige l’Esport virtual arena (EVA), à Chasseneuil. A quitté son boulot et les tensions de la vie parisienne pour s’installer avec sa famille à la campagne. Indépendante, obstinée à tendance hyperactive. Signe particulier : geek mais pas gamer.

Romain Mudrak

Le7.info

Dans la langue de ses aïeux cambodgiens, son prénom 
signifie « personne indépendante ». Ekaria Imhaus a pris le nom de famille de son mari, mais a gardé son caractère bien trempé et affranchi. « Ma maman m’a toujours dit que je portais bien mon nom ! » On pourrait même dire obstinée à voir le parcours qui l’a conduite à ouvrir en juin 2022 la première salle de réalité virtuelle de la Vienne, sous l’enseigne Esport virtual arena, à deux pas du Futuroscope. « J’ai fait 70% des travaux toute seule. L’année dernière à la même époque, je posais encore les dalles noires et blanches au sol. » Deux fois 
16 mètres par 30, la surface réglementaire des arènes EVA partout en France. De quoi se faire mal aux genoux !


Bienvenue 
à la campagne !

Fine silhouette, petites lunettes sur le nez et grand sourire, Ekaria ne tient pas en place. C’est pour cette raison qu’elle a créé son entreprise. Après quarante ans passés en région parisienne, cette native de Champigny-sur-Marne -« et fière de l’être »- a tout plaqué avec son mari à la retraite et leurs trois enfants pour s’installer à la campagne. Exit son poste de cadre dans une mutuelle conventionnée du Régime social des… indépendants. Ça ne s’invente pas ! Direction Melle, dans les Deux-Sèvres. Sans idée précise de la suite. La famille n’y a absolument aucune attache. 
« Après les attentats de novembre 2015, j’ai trouvé les gens plus tendus à Paris. Moi, je voulais que mes enfants grandissent dans un milieu plus calme. Aucune voiture ne passe devant la maison, juste des oiseaux dans le jardin. » Le couple rénove « un tas de pierres et un toit » pendant deux ans. Puis arrive le projet EVA. « Je ne voulais plus être salariée. Un jour, je suis remontée à Paris pour voir un concert et j’ai dormi chez mon cousin. On a parlé de mon avenir et il m’a dit que le meilleur ami de son frère cherchait à développer un concept. » C’était Jean Mariotte, le co-fondateur d’EVA.

Deuxième partenaire à signer, Ekaria peine à concrétiser son projet, Covid oblige. « J’ai fait toutes les formations mais j’ai rencontré le premier banquier la veille du confinement ! » Pendant que tout est à l’arrêt, elle s’active au sein de l’école de musique de Melle. Une façon de s’occuper l’esprit. En mai 2021, feu vert ! Mais le local trouvé à Poitiers-Sud ne colle plus avec le cahier des charges d’EVA. « C’est ça, les startups, il faut s’adapter en avançant. » Elle ne lâche rien et s’installe finalement au nord. « C’est plus difficile ici qu’à Toulouse par exemple où le bassin de population est plus important, admet la jeune dirigeante. Mais on tient bon et je sais que mes trois salariés pourraient faire tourner la boutique. » 
Ekaria avoue avoir « du mal à décrocher ». Ce qui lui a valu une petite alerte de santé en décembre. « Je dois lever le pied, je ne suis pas d’un naturel anxieux mais je tiens sur les nerfs. » Elle n’est pas du genre à regretter une décision. « Je ne reviens pas en arrière, je m’engage à fond pour faire en sorte que ça fonctionne. » Ce qui l’amène parfois à en faire trop. Entre vie professionnelle à Chasseneuil et vie perso à Melle, tout n’est pas encore calé. « Il faut que je trouve un rythme plus raisonnable ! »

Pas trop jeu vidéo

A l’origine, Ekaria se serait plutôt vu gérer un site d’accrobranche ou un pumptrack. Des activités sportives en somme. Enfant, elle ne laissait pas sa place sur les terrains de foot de sa « cité ». Mais elle a finalement cédé au potentiel de la réalité virtuelle. « Et puis mon fils a validé le concept quand il est venu avec moi découvrir EVA lors de la Paris Games Week 2019. Aujourd’hui encore, à 16 ans, il fait remonter les bugs de nos jeux aux développeurs d’EVA. » Et n’allez pas lui dire que tuer des zombies, c’est trop violent ! Pourtant, elle se dit « plus geek que gamer ». « Je suis une bille sur nos jeux mais je suis fan de nouvelles technologies. Tous les ans, je remets à jour les composants de mon ordinateur pour le plaisir. »

Depuis l’ouverture de la salle, Ekaria a déjà accueilli les meilleures équipes de France. A l’inverse, elle ouvre aussi le 5 mars un 
tournoi spécifique pour les débutants. « Plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral », comme elle dit, la gérante apprécie désormais le contact avec les clients. Certains sont même devenus des fidèles qui aiment se lover dans les fauteuils du coin salon. Dans la nature humaine, elle redoute « l’intolérance et le manque de considération des autres ». Le respect est la base. Une vertu qu’elle attribue à l’influence bouddhiste de ses parents et grands-parents nés au Cambodge. De ses frères et sœurs, elle est la seule à avoir vu le jour en France. Indépendante jusqu’au bout !

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