Aujourd'hui
Rebeb. 32 ans. Graffeur. A grandi entre Sèvre et Vienne. Autodidacte. A fait ses armes sur les murs d’expression libre de Poitiers avant de gagner la liberté de s’exprimer ailleurs. Fait passer l’amitié avant l’art. Toujours en quête d’équilibre.
Des petits dessins pour passer le temps, Rebeb en a griffonné des milliers, sur ses cahiers d’abord puis sur des bouts de papier, juste pour tuer le temps. Et puis un jour, par hasard, rue de la Cathédrale à Poitiers, il pousse la porte de Sous Pression, « un magasin de bombes », et fait la connaissance de son propriétaire, Jean Jam, graffeur déjà reconnu et bientôt fondateur de l’association Pictav’art. « On m’avait offert une initiation graff avec lui mais on est devenus potes et on s’est mis à peindre ensemble sur les murs d’expression libre de Poitiers. » Rebeb ne savait pas encore à quel art se vouer. Le portrait au fusain de sa sœur, de dix ans son aînée, était certes prometteur -« on la reconnaissait », glisse-t-il modestement- mais ses premiers lettrages à la bombe sur de grands cartons, dans sa coloc de la rue Grignon-de-Montfort, n’étaient pas vraiment concluants. « Mes potes me chambraient… », sourit-il. Sans rancune. « J’ai fini par mettre mes bombes de côté. Marqueurs, pochoirs… J’ai essayé plein de trucs mais j’ai rapidement compris que ce qui me plaisait, c’était de faire des portraits. » A l’époque, le graff n’était déjà plus considéré comme une pratique subversive. Le jeune homme a naturellement repris ses bombes pour se faire doucement un nom dans le petit monde du street art poitevin, « Rebeb », un pseudo en vérité. Il fait écho -en verlan- à un surnom amical qui le suit depuis Coutières, petit village d’à peine deux cents âmes. « J’ai grandi là-bas », insiste l’enfant de la gâtine deux-sévrienne installé depuis six ans à Lavausseau. Dans la Vienne certes mais au plus près de ses racines...
Expression libre
Tout en continuant d’explorer les murs d’expression libre, Rebeb a travaillé dans un centre d’appel -mais être enfermé toute la journée, trop peu pour lui !-, puis dans une agence immobilière de Lusignan. « J’aimais aider les gens à se projeter, les guider dans la rénovation de leur maison. » Son bac STI et son BTS après-vente automobile étaient décidément une « mauvaise orientation ». « J’aurais préféré faire un bac pro, pour aller vers un métier manuel comme mécanicien, menuisier… », analyse le fils de maçon et de secrétaire de mairie. Alors logiquement, à l’heure des choix, « entre ouvrir une agence immobilière ou se lancer à fond dans la peinture », Rebeb a fait le second.
Dix ans après avoir créé son auto-entreprise, il a « toujours énormément de doutes », lâche avec simplicité le graffeur de 32 ans, fidèle aux portraits et aux regards, de préférence des grands formats offerts à la vue de tous. S’il ne rechigne pas à répondre à la demande de particuliers, pour une chambre d’enfant, une clôture, un pignon de maison, ses toiles, elles, se font plus rares. « Il y a plus de sens à dessiner sur les murs, certains sont parfois tellement moches qu’on ne les voit plus. Et puis je veux apporter l’art en milieu rural comme en milieu urbain, réaliser des œuvres accessibles à un maximum de personnes. » Si la voix est posée, la sérénité n’est qu’apparente, ou plutôt intermittente. « Emotionnellement, ce n’est pas facile à gérer. A chaque nouvelle peinture, je repars de zéro et je dois être à 100% », confie Rebeb. Isaure, sa compagne, peintre également, acquiesce. « Tout repose sur sa main qui peint et il a envie de toujours faire mieux. Il est serein en général mais d’humeur changeante en fonction des projets. Je crois que tous les mois je l’entends dire qu’il arrête la peinture. » (sourire)
Question d’équilibre
Loin de l’image de l’artiste obnubilé par son art, Rebeb veille à conserver « un pied dedans et un pied en dehors du graff ». Question d’équilibre. « Toute sa vie ne tourne pas autour du graff, reprend Isaure. Il y a plein de choses qui le font vibrer, il fait aussi de la menuiserie, de la mécanique… » Du foot à Vasles où il nourrit de longues amitiés.
A la différence d’autres graffeurs, le jeune homme ne cultive pas de mystère autour de son identité. S’il a souhaité la taire ici, c’est juste par jeu. Il peint à visage découvert, avec dans les oreilles du rap, du hip-hop ou du dub, mais toujours ravi de « discuter avec les gens, pour avoir leur ressenti ou pour échanger sur tout et sur rien ». Au fil du temps, les projets participatifs, en milieu scolaire notamment, se sont multipliés. « Au début, cela m’ennuyait mais maintenant j’y prends beaucoup plus de plaisir car j’ai développé une pédagogie », explique le graffeur, curieux de « savoir où tout cela va [le] mener », même si, concrètement, il ne s’éloigne jamais très longtemps de ses amis et de Pattoune, un paisible félin.
Au CH Laborit pour égayer l’extérieur du pavillon Tony-Lainé, sous la pénétrante pour saluer le passage du Tour de France ou boulevard du Grand-Cerf à travers le regard de Tiphaine Véron, la « trace artistique » de Rebeb est visible partout dans Poitiers. Elle court aussi jusqu’à Porto, Lisbonne, Moss en Norvège… et même Miami !
Sur Facebook Rebeb et sur Instagram Rebebstagram.
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