Yves Tartarin, plus pare-brise que rétro

Yves Tartarin. 63 ans. Poitevin depuis toujours. Pilote au long cours. Vingt-et-un Dakar au compteur. S’est lancé cette année dans l’organisation d’une épreuve au Maroc, le Rallye des aventurières solidaires. Amoureux des bagnoles. Signe particulier : conjugue le présent au futur plutôt qu’au passé.

Le 31 décembre, les concurrents du Dakar 2023 s’élanceront depuis l’Arabie saoudite, au bord de la mer Rouge. Depuis... La Table de Bellefois, à Neuville, Yves Tartarin affiche une moue dubitative. Sa dernière participation au mythique rallye-raid remonte à 2020, la première dans la péninsule arabique, et le pilote auto a « détesté ». Alors il s’est promis de raccrocher le volant après 21 Dakar, 30 ans de compétition, 30 24 heures d’affilée -dont cinq victoires à Paris-, plusieurs titres de champion de France d’endurance et la boîte à souvenirs à ras bord. Quoique le Poitevin confesse avoir « une très mauvaise mémoire ». Même son âge... « Je suis de 59, mais je suis toujours obligé de calculer », 
s’amuse-t-il. Vrai symptôme amnésique ou acte manqué ? Un peu des deux sans doute. Quand on « vit de passion », on ne se voit pas vieillir, quand bien même « la charpente vous rappelle à l’ordre de temps en temps. Je m’en veux parfois de ne pas avoir la mémoire des gens, des faits... » Jusqu’à ne pas se souvenir qu’il a été témoin de mariage de l’un de ses meilleurs copains ! 


« Des gens 
exceptionnels »

Ainsi Yves Tartarin file-t-il à pas comptés vers ses 64 piges, sabre au clair, les yeux rivés sur le pare-brise plutôt que dans le rétro. « J’ai toujours plein de projets ! », glisse-t-il dans un sourire entendu. S’il sait où il va -à peu près-, l’ancien pilote professionnel du Team Toyota sait aussi d’où il vient et qui lui a inoculé le virus de la course automobile. Ses parents ? « Des gens exceptionnels. » Sa jeunesse ? Bercée par une obsession : bosser dans l’entreprise paternelle d’équarrissage. « Les études, ce n’était pas trop mon truc. J’ai arrêté l’année du bac. » Direction donc la boîte familiale dans laquelle ses parents suent sang et eau. Le footeux, rugbyman, volleyeur et tennisman éphémère passe du (presque) bac à la barbaque. « A la dur. » Ça tanne le cuir autant que ça donne envie de prendre la tangente. Vers l’immobilier notamment. S’il reste discret sur ses affaires, il reconnaît qu’il gagne « juste ce qui lui faut ». Mais sans charge de famille et avec des doigts en or, on arrive à se débrouiller. 


Se débrouiller pour rouler. A moto d’abord. « Mais j’ai arrêté la compétition après avoir assisté à un grave accident. » La voiture s’est imposée d’elle-même dans la foulée. « La piste ne me disait trop rien, je préférais l’aventure. » Bercé par les histoires d’Afrique entendues à la maison -son père et son oncle ont vécu treize ans dans un village de Côte d’Ivoire-, Tartarin l’Africain s’est définitivement converti grâce au rallye des Pharaons en Egypte. C’était en 1987, une époque de tous les possibles... Dans la foulée, il a enchaîné sur le Dakar avec l’ex-patron d’APE Etiquettes Christian Poirault, puis de se lancer « sans assistance et sans co-pilote » sur les deux éditions suivantes. « De la folie » avec du recul. Ses années Toyota lui ont permis d’être « payé pour rouler ». Par miracle, il n’a jamais eu de grave accident. 
« Tous mes abandons étaient liés à des bricoles... » 


Plaisir et solidarité

Pas rapide -une seule victoire au scratch sur une manche- mais « endurant », cet amoureux de l’Afrique et de l’Amérique du Sud regarde aujourd’hui sa carrière sans nostalgie aucune. Sa nouvelle vie s’articule autour du Rallye des aventurières solidaires, féminin et mixte, dont la première édition a eu lieu en octobre dernier. La semaine dernière, et même s’il a « bu le bouillon financièrement », il a remis un chèque de 4 760€ au Fonds Aliénor d’Aquitaine du CHU de Poitiers et remettra 2 000€ à son équivalent marocain, Lalla Salma. « Si nous atteignons les trente équipages en 2023 (9 en 2022, ndlr), nous pourrons reverser 
50 000€, pas mal non ? », s’enthousiasme l’ancien coéquipier de feu Patrick Tambay sur un 24 heures auto. Faire courir les autres, pour le plaisir, voilà son nouveau dada. Entre autres activités, il aimerait aussi mettre un peu d’ordre dans son garage mirebalais qui abrite, au-delà des 4x4 de rallye-raid, quelques pépites. Un Plymouth Truck de 1938 ou une Mercedes-Benz 300 Adenauer cabriolet. Deux bagnoles qui ont une valeur sentimentale pour ce collectionneur compulsif, un brin « têtu, égoïste » mais qui compense par d’autres qualités de cœur. A 63 ans, on ne se refait pas.