mardi 24 décembre
Tchaï Vang. 39 ans. Châtelleraudais d’adoption, installé à Naintré. Après plusieurs expériences professionnelles sans passion, a choisi de faire ce qui lui plaît. Prof de danse, chorégraphe et metteur en scène de comédies musicales, tatoueur et même photographe-vidéaste. Signe particulier : « un peu fou dans [sa] tête ».
M-1 avant la première de Mission Noël, la toute dernière comédie musicale de Tchaï Vang. Le challenge est de taille puisque c’est le premier spectacle que le chorégraphe et metteur en scène monte en seulement quatre mois avec la Crow Family, troupe de danse qu’il a fondée en 2014, à Naintré. « Habituellement, on prépare un spectacle de septembre à juin. Mais je me suis rendu compte qu’après les fêtes, c’est dur de remobiliser. Alors je me suis dit qu’on allait en faire deux cette année ! », se marre le presque quadra.
Tchaï est comme ça, toujours des idées et des projets plein la tête. « Je n’aime pas rester à ne rien faire ! » Le prof de danse sait aussi qu’il peut compter sur des élèves -de 10 à 80 ans- prêts à le suivre. « Des fois, ils me disent : « On ne voit pas ce que tu veux. » Et c’est vrai que dans ma tête, c’est un peu fou, sourit l’autodidacte. Je ne sais pas trop comment expliquer leur adhésion… Mais je les remercie de leur confiance dès que possible. Car sans eux, rien ne peut fonctionner. » Le danseur n’oubie pas de citer Benoît Roche, son « mentor » dans le monde du spectacle et des comédies musicales. Tchaï martèle l’importance des rencontres, de « l’humain » dans sa vie. Cette notion est au centre de ses créations, qui appellent à se reconnecter les uns aux autres. Loin de ces réseaux pas si sociaux.
« On n’a qu’une vie, j’ai foncé »
Il lui a fallu quelques années pour réaliser que la danse était son langage à lui, son moyen d’expression. Elle a d’abord été un support d’intégration. Bien qu’il soit né en France. « Le racisme, je le vis depuis tout petit, confie cet enfant de Hmongs d’Indochine forcés de s’exiler en France il y a quarante-quatre ans. En arrivant à Châtellerault, on a cru être des Martiens ! Quand j’ai commencé à danser, la donne a changé. Des gens ne seraient jamais venus me saluer autrement… » Tchaï ne s’y est mis qu’à 15 ans, impressionné par les « grosses figures » de hip-hop que réalisait son cousin. Lui qui jusqu’ici s’amusait seulement à imiter le « moonwalk » de Michael Jackson se prend de passion pour le breaking, puis se frotte à d’autres danseurs. « Dans des battles où on s’est fait éclater ! », se souvient-il dans un franc sourire.
« Ici, j’ai l’impression de pouvoir faire ce que je veux. »
Tchaï arrête aussi brusquement, à ses 18 ans, pour gagner sa vie, les études n’étant pas trop « [son] délire ». Enseigner la danse n’était pas envisageable. « On m’a toujours dit que ce n’était pas un métier. » Muni de son BEP électronique, il va là où se trouve le travail, « pour être libre et tranquille », explore plusieurs secteurs, sans toutefois y trouver sa flamme. La danse lui manque. Sa rencontre avec Bruno Gachard, un conseiller en spectacle vivant de l’Education nationale, est un déclic. A 24 ans, il quitte son poste de chef d’équipe dans le bâtiment pour devenir prof de danse professionnel. « J’en avais ras-le-bol d’aller au travail à reculons. On n’a qu’une vie, j’ai foncé. Et je ne voyais pas pourquoi ça ne marcherait pas. »
Au contact de Bruno Gachard, Tchaï s’ouvre à un autre répertoire et part se former. Une formation qui n’est jamais terminée. En 2018, l’artiste s’est rendu à Los Angeles pour un stage au Millenium Dance Complex, une école mondialement connue. « Je suis quelqu’un qui va fouiller, piocher un peu partout. Si j’ai l’impression de ne plus avancer, il y a un problème ! » S’installer aux Etats-Unis lui a traversé l’esprit, mais il a choisi de rester dans la Vienne, où il a tissé son réseau. « Ici, j’ai l’impression de pouvoir faire ce que je veux. »
Incarnation du Do it yourself
Comme… ouvrir un salon de tatouage ! Le Châtelleraudais d’adoption a créé son « shop », toujours à Naintré, en 2020. Le dessin est une autre de ses passions remontant à l’enfance, quand il griffonnait les héros de Dragon Ball. « C’est venu d’un copain qui m’a dit que j’avais un bon coup de crayon et que je devais y songer, explique celui qui s’est fait inscrire sur un bras le portrait de son père décédé quand il n’avait que 8 ans. Le Covid a précipité la réflexion : comme on ne pouvait plus faire de danse, il fallait trouver autre chose. » Il s’est aussi lancé dans la photo et la vidéo courant 2021, plus par « kiff » que pour en vivre. Une activité artistique de plus à son CV. « Avec mes frères, on s’amusait déjà à faire des petits films avec un vieux caméscope. » Un moyen-métrage très personnel devrait sortir en début d’année prochaine.
A l’approche de ses 40 ans -cap qu’il dit ne pas redouter- Tchaï assure ne retenir que le « positif ». Et cette fierté d’avoir lui-même créé son métier. Do it yourself, comme l’a surnommé un ami. Et qu’importe les sommes investies dans ses projets. « Le plus important pour moi est de satisfaire le public. Il attend toujours mieux. A la fin, les gens te le rendent bien, c’est une magie que j’aime. » Tant pis, aussi, s’il est passé à côté d’une carrière dans le hip-hop, comme le lui rappellent parfois ses frangins. « J’ai côtoyé de près des gens qu’on voit aujourd’hui sur des compétitions internationales… Mais je me rattrape autrement. Rester dans l’ombre, ça me va aussi. » Aujourd’hui, il ne souhaite pas seulement transmettre son savoir, mais aussi imprimer l’idée que l’on peut vivre de son art. Être en quelques sorte la preuve par l’exemple. C’est le sens de ses interventions auprès de scolaires de la Vienne ou de ses élèves. « Mon objectif premier est que des jeunes puissent prendre la relève, qu’ils osent se lancer dans la danse. » Tout simplement leur dire qu’ils sont libres, comme lui, de s’accomplir.
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