Aujourd'hui
Eric Leguay. 58 ans. Spécialiste des médias numériques, du jeu vidéo en particulier. Ancien salarié d’Apple et chef d’entreprise. Toujours consultant. Enseigne à Paris dans de prestigieuses écoles. Vient de racheter le pureplayer Explore Poitiers. Son look de Professeur est inimitable, sa curiosité insatiable.
Promis juré, à l’horizon 2024, Eric Leguay migrera vers Poitiers. Le natif de Saint-Germain-en-Laye est pourtant un Parisien de la première heure. Mais à l’approche des Jeux olympiques, il sature. « Les transports, c’est n’importe quoi. Et puis, on ne trouve plus un studio moins de 1 000€, mes étudiants me le disent ! » Alors le Professeur comme on l’appelle dans les Lan party revient régulièrement ici-bas, comme le week-end dernier à la Gamers Assembly Hallowen de Saint-Benoît. Son chapeau, ses gants jaunes et ses lunettes rondes d’un noir absolu ne passent jamais inaperçus, à la Paris Games Week et dans tout l’Hexagone. Sur les réseaux sociaux, c’est d’ailleurs Cyril Addle-Field qui s’exprime. « Dans l’univers du gaming, on ne connaît même pas nos noms de Moldus ! » Le grand gaillard s’esclaffe de cette dualité, s’en amuse même. « On n’a pas attendu le Métavers pour avoir des vies parallèles... »
Enthousiasmé par l’Asie
Le patron du magazine en ligne Explore Poitiers jongle ainsi entre toutes ses activités, prompt à capter « les mouvements sociétaux » pour rester dans le coup. Car le numérique a accéléré le temps et la valse des « étiquettes » avec. « Les marques sont là pour naître et disparaître. Dans le numérique, aucune ne fêtera ses cent ans, contrairement à Renault. » A l’approche de la soixantaine, Eric Leguay continue d’essaimer son savoir à Paris-Dauphine, à l’IAE de Paris, à l’Ipag Business school et jusqu’en Chine depuis un quart de siècle. Il a commencé lorsqu’il collaborait avec la prestigieuse école des Gobelins. Ses interventions à la Jillin Animation Institut ont toutefois pris un tournant plus numérique depuis l’émergence de la crise sanitaire. « Ce sont plutôt des master class en ligne désormais. Les étudiants chinois sont passionnants et passionnés. Ils sont curieux de tout ce qui se passe en Europe. »
« Le smartphone est l’objet le plus courant du siècle et le plus énergivore. »
Son enthousiasme trahit son appétence pour la culture asiatique. Car contrairement aux idées reçues, « les Chinois ont un côté marseillais, sont très attachants et font blague sur blague pendant un repas ». Grand amateur d’architecture, Eric Leguay n’avait, gamin, pas d’inclination particulière pour le métier d’enseignant. « La conseillère d’orientation avait ciblé deux métiers : commissaire ou inspecteur de police », se souvient-il. Raté. Elevé dans « un milieu post-soixante-huitard » avec une mère « très féministe » -« on sait tous faire à manger et la vaisselle chez nous »-, le titi parisien est très vite tombé dans la marmite de l’informatique.
Son oncle travaillait dans une boîte spécialisée, il lui a offert son premier micro à 10 ans. Calculer des chiffres en binaire, la belle affaire à l’époque ! Sans vrai plan de carrière, Eric a étudié à la Fac d’AES et en Sciences éco à Nanterre puis a dégoté un job dans une entreprise nommée... Apple, en 1987. Cinq ans au département marketing à bosser sur le « knowledge management », autrement dit la gestion des connaissances. L’expérience fut riche, elle l’a conduit à créer sa propre TPE « avec des copains ». « Chez Index +, on faisait des bornes interactives, pour l’exposition universelle de Séville, le Louvre... » C’est au milieu des années 90 qu’il a eu l’occasion de côtoyer René Monory, alors président du Sénat. Le Shérif l’a emmené dans ses bagages. Il a collaboré avec le musée Sainte-Croix et d’autres lieux culturels de la région Poitou-Charentes, puis a enseigné au sein du master web-éditorial de l’université de Poitiers. Il en conserve d’« excellents souvenirs ». Eric Leguay compte bien s’investir dans la Vienne au sens propre comme au figuré. D’abord avec Explore Poitiers, dont il prépare une version 100% immersion et déclinable dans d’autres villes.
« On court à notre perte »
En attendant, le Professeur continue de multiplier les collaborations, qui dans le conseil de startups auprès de Cap Digital, de la Banque publique d’investissement, de la maîtrise d’ouvrage pour des productions culturelles, qui comme rédacteur poiur Spirou... Façon de dire qu’il sait être « sérieux » quand les circonstances l’exigent. Ce qui ne veut pas dire « se prendre au sérieux ». Ou n’être que dans un registre laudateur à l’endroit du numérique. « Le smartphone est l’objet le plus courant du siècle et le plus énergivore. Lorsque je donne mes cours en ligne aux étudiants chinois, mon père est ébahi par la prouesse. Mais en fait, on court à notre perte. » C’est dit sans barguigner. Conscient de ne pas mener une vie « standard », l’enseignant adore « multiplier les expériences », dont le théâtre récemment. Dans le TGV qui l’emmène de Paris à Poitiers, il n’est pas rare de le voir sur sa Nintendo Switch. Définitivement, il préférera toujours les jeux vidéo aux Jeux olympiques.
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