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Depuis novembre, la Mosquée de la paix de Châtellerault s’est dotée d’un imam français. Franck Nabo défend la dissociation entre culte et culture, en adéquation avec les valeurs de la République.
Des origines réunionnaises, une enfance à Clermont-Ferrand, des parents catholiques… Rien ne prédisposait Franck Nabo à devenir musulman, encore moins imam, si ce n’est peut-être un naturel curieux et une spiritualité précoce. A 35 ans, le jeune Auvergnat incarne depuis novembre 2021, au sein de la Mosquée de la paix de Châtellerault(*), une nouvelle génération d’imams français, en adéquation avec la volonté gouvernementale de mettre fin, à partir de 2024, aux imams dits « détachés », venus du Maroc, d’Algérie ou de Turquie. « Historiquement, le berceau de la population musulmane châtelleraudaise, ce sont des Algériens arrivés dans les années 1960. Avoir un imam algérien correspondait aux besoins de l’époque, à un islam consulaire. Mais aujourd’hui nous voulons un islam français ! », insiste Mohammed Abdelsadok, membre du bureau de la Mosquée de la Paix qui a participé au recrutement de Franck Nabo. L’intéressé a souhaité se convertir à l’islam à… 12 ans. « Je ne saurais pas expliquer pourquoi, c’est plus un sentiment... », avance-t-il. Seule certitude : « Je croyais en Dieu. » Le jeune garçon s’est plongé dans les livres. « J’ai voulu apprendre la religion pour ne pas apprendre n’importe quoi de n’importe qui. » Quelques années ont passé et il a découvert fortuitement l’existence de l’Institut de théologie musulmane de la Réunion (ITMR), la seule école française du genre. « J’étais déjà allé à la Réunion pour la famille, les paysages… » sourit-il. Il intègre l’ITMR en 2004, en ressort diplômé en 2013 avec une maîtrise de l’arabe littéraire. Depuis, « je suis toujours dans l’étude, avoue Franck Nabo. La communauté musulmane attend d’un imam qu’il réponde à ses questions. Je dois être apaisé vis-à-vis de l’interprétation des textes et apaisant vis-à-vis de la société. »
« Un culte pour tous et chacun sa culture »
Dans son bureau où se sont glissées des arabesques traditionnelles, Franck Nabo a accroché la maxime laïque « La vie, c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre ». Pour le symbole. « Il est essentiel de distinguer le cultuel du culturel. C’est pourquoi j’aime l’expression : un culte pour tous et chacun sa culture », expose-t-il, vigilant à l’endroit de la question identitaire. « C’est un défi, glisse avec détermination et humilité le jeune imam. Tout est à construire. »
La permanence téléphonique mise en place à la mosquée le mercredi après-midi de 14h30 à 17h30 en témoigne, les questionnements ne sont pas uniquement d’ordre religieux. « On m’appelle pour des questions de religion au de travail, d’heures de prière mais aussi d’école, de psychiatrie, parfois juste pour avoir une oreille attentive, souvent pour un différend au sein du couple ou entre les parents et les enfants… » Franck Nabo prend à cœur ce rôle de médiateur et s’appuie volontiers sur des partenaires de la société civile. Il prête une attention particulière à la jeunesse, traque chez elle « les incohérences », mise sur « la prévention », notamment à travers l’Ecole de la sagesse et des savoirs, mitoyenne de la salle de prière. « Ce sont davantage des salles de classe, précise Mohammed Abdelsadok. L’école républicaine, elle est là-bas ! », indique-t-il d’un geste de la main.
(*)L’inauguration officielle a eu lieu le week-end dernier, rue Paul-Painlevé, entérinant une présence de près de soixante ans du culte musulman à Châtellerault.
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