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Du haut de ses 7 millions d’années, Toumaï est-il le plus ancien humain bipède ? La controverse mondiale vieille de vingt ans autour de cette question a semble-t-il vécu. Dans un article publié mercredi par la revue Nature, une équipe de chercheurs poitevins et tchadiens(*) démontre que des contemporains du célèbre Sahelanthropus ont adopté la bipédie bien avant Orrorin (Kenya, 6 millions d’années), Ardipithecus (Ethiopie, 4,4 millions d’années) ou l’Australopithèque Lucy (3 millions d’années).
A partir du fémur et de deux ulnae (ex-cubitus) découverts à côté du crâne de Toumaï par le paléontologue Michel Brunet, au Tchad en 2001, l’équipe de Franck Guy et Guillaume Daver s’est interrogée sur « la forme de locomotion du Sahelanthropus ». De cela dépendait en effet son appartenance à la famille des homininés ou à celle des chimpanzés. « La bipédie est l’un des critères qui définit notre lignée », rappelle Guillaume Daver.
La mesure du diamètre fémoral de Sahelanthropus a indiqué qu’il était plus grand que le chimpanzé. Pour le reste, la relative mauvaise préservation des os et l’absence des extrémités ont incité les chercheurs à mener une approche plurielle incluant des observations anatomiques, des mesures biométriques, morphométriques, biomécaniques…
Au total, les paléoanthropologues se sont appuyés sur vingt-trois caractères, tant morphologiques que fonctionnels, pour comparer Sahelanthropus avec des spécimens de grands singes fossiles et actuels, ainsi qu’avec des homininés actuels. Combinés, ces critères attestent de « la bipédie habituelle mais pas exclusive » de Toumaï et de ses contemporains. En d’autres termes, ils se déplaçaient bien sur leurs deux jambes même si, dans les arbres, ils pouvaient opter pour la quadripédie. Ils sont donc « le plus ancien témoignage de bipédie chez l’humain ».
(*) L’équipe comprend des chercheurs du CNRS, de l’université de Poitiers (laboratoire Palevoprim) et de l’université de N’Djamena (Tchad).
Roberto Macchiarelli toujours dans le doute
L’étude parue dans Nature, dans laquelle il est cité, n’a toujours pas convaincu Roberto Macchiarelli. Selon le paléontologue, professeur à l’université de Poitiers, Toumaï n’était pas un bipède habituel. « Je suis partagé entre la joie de voir dévoiler le spécimen et la déception de constater dans l’article des omissions et incohérence.. Nous allons donc les formaliser, sans faire de polémique. Plutôt que de considérer la bipédie comme un objet à valider, l’équipe de chercheurs l’a assumée en termes de thèse. Ils ont pris dans leur étude des éléments qui soutiennent cette thèse, qui est devenue un dogme, déplore-t-il. Je ne condamne personne, mais il y a eu une succession d’erreurs, explique-t-il. Il est inquiétant que dès le début ce fémur ait été confié à une étudiante de DEA. Avec Aude Bergeret, nous étions arrivés à l’hypothèse qu’il s’agissait bien d’un fémur compatible avec la forme de vie représentée par le crâne mais que ce spécimen était plus compatible avec une démarche de quadripède, donc plus proche du chimpanzé que de l’Australopithèque. C’était une hypothèse à discuter. Or dans l’étude qui vient de sortir, ces points ont été ignorés. »
Pédagogue, le scientifique se saisit d’un os et explique : « Chez les hominidés bipèdes, l’angle entre l’épiphyse et la diaphyse se situe entre 125 et 132 degrés ; chez l’orang-outan, qui est arboricole, il est de 140 à 145 degrés. L’angle du fémur retrouvé en 2001 est supérieur à 140, sans doute 142. Il est donc incompatible mécaniquement avec la bipédie. » Idem concernant les éléments présentés via la cartographie de l’os cortical : « Si vous prenez un fémur fossile d’un autre représentant de la lignée humaine, le Néandertalien par exemple, il ne se présentera pas comme celui de l’homme moderne. » Plus largement, « ces trois morceaux d’os racontent une histoire plus compliquée », conclut le spécialiste.
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