Dans le quartier des Trois-Cités, à Poitiers, une dizaine de jeunes âgés de 16 à 20 ans ont créé une coopérative. Ils rendent des services à la demande. Une façon d’éviter les pièges de l’argent facile et de se forger une première expérience professionnelle qu’on leur refuse souvent.
C’est fait. Début septembre, La Boîte à jobs a rempli la première mission qui lui avait été confiée… « Historique ! », rien de moins, ont commenté avec enthousiasme ses instigateurs sur Twitter. En l’occurrence, cinq jeunes gens âgés de 16 à 18 ans ont mis sous pli deux mille exemplaires du bilan annuel de l’ONG poitevine, Initiative&Développement. Et le client s’est dit ravi de cette « super première expérience ». La Boîte à jobs, c’est une « coopérative jeunesse » dont l’idée a germé dès 2017 dans le quartier des Trois-Cités, à Poitiers, grâce à des… « mamans ». A l’époque, plusieurs mères de famille alertent l’équipe du centre socioculturel car elles se sentent démunies face aux délits commis par leurs fils et d’autres garçons du quartier. « Elles voulaient qu’on aident ces jeunes à retourner sur le droit chemin, se souvient Nicolas Petitjean, référent Enfance-Jeunesse de la maison de quartier. Nous avons invité ces habitantes, la Mission locale d’insertion, les éducateurs de rue de l’ADSEA et d’autres acteurs comme la médiathèque à venir réfléchir ensemble. »
L’idée de La Boîte à jobs est apparue comme un moyen « d’être utile et d’éviter les pièges de l’argent facile ». Certains jeunes sur la mauvaise pente ont saisi l’occasion. Pas tous. Mais très vite, d’autres -en majorité des filles- y ont vu des avantages supplémentaires, comme Loïs Saberazana, élève en première générale au lycée du Bois- d’Amour : « Quand on postule pour un job, on est souvent refusé parce qu’on manque d’expérience. Avec la coopérative jeunesse, on se donne les moyens de se créer notre propre expérience. En plus, on apprend à travailler en équipe et à entrer en contact avec d’autres générations. »
Les jeunes ont la main
Aujourd’hui, cette structure est entièrement pilotée par ses coopérateurs. Ils sont une dizaine, lycéens, étudiants ou à la recherche d’un emploi. Agés de 16 à 20 ans, tous habitent les Trois-Cités, la condition sine qua non. Au-delà du conseil d’administration et du bureau exécutif, la coopérative est composée de trois commissions : « En résumé, le marketing est en contact avec le client, les RH gèrent les plannings de disponibilités de chacun et la commission finances établit les devis et les factures », explique Gara Diakhaby, en terminale à Camille-Guérin. Pour acquérir les bases de chacune de ces fonctions, les coopérateurs peuvent compter sur les agents administratifs de la maison de quartier. Les prestations ? « On a commencé par lister les compétences de chacun. A partir de là, on a proposé quelques services, mais on reste ouvert aux demandes », note Bintouba Cissé, lycéenne à Aliénor-d’Aquitaine. Garde d’enfants, conciergerie, distribution de prospectus, livraison de courses à domicile, entretien des espaces publics… Tout est possible. Prochainement, La Boîte à jobs devrait accomplir une double mission de service à table et plonge pour le compte d’une grosse association. Les tarifs sont fixés à l’heure ou au forfait selon la tâche. « L’objectif est que tout le monde travaille selon ses disponibilités. » De leur côté, les « mamans » gardent un œil sur l’affaire.