Aujourd'hui
Maillons essentiels de l’organisation de la protection de l’enfance, les assistants familiaux exercent un métier méconnu. Le Département de la Vienne vient de lancer une campagne de recrutement pour étoffer leurs rangs.
« Les enfants accueillis s’imposent, ils envahissent presque votre vie privée. Il faut être prêt à ça, à se laisser bousculer, déranger, soi-même mais aussi son couple, ses enfants. » Jean-Luc Merceron ne s’en cache pas : assistant familial est un métier de tous les instants, du 24h/24. Mais malgré les difficultés, les rendez-vous médicaux, les réunions et tous les aléas du quotidien, « c’est un métier extraordinaire, qui a du sens », assène-t-il.
Dans la Vienne comme dans d’autres départements, les assistants familiaux comme Jean-Luc ne sont pas assez nombreux ou ne le seront plus à brève échéance. Avant même la crise sanitaire, le nombre d’enfants placés suivait une courbe ascendante (déjà +10,4% entre 2013 et 2017 selon l’Observatoire de l’enfance en danger) et, aujourd’hui, la pyramide des âges augure des départs en retraite imminents.
Principal employeur, aux côtés de structures de droit privé, le Département emploie 256 assistants familiaux (moyenne d’âge 54 ans) pour 531 enfants placés, à la demande des parents ou de la Justice. Il vient de lancer une campagne de recrutement. Mais le métier est méconnu, depuis trop longtemps. « Nous suscitons beaucoup de fantasmes qui vont des Thénardier jusqu’à la série gentillette Famille d’accueil », constate Evelyne Arnaud, chargée de mission au Syndicat des assistants familiaux. Ce collectif est né pour faire connaître la profession, pour obtenir un vrai statut aussi car « il y a autant de pratiques que de départements », déplore la professionnelle. Les travaux lancés en 2005 par la ministre Laurence Rossignol n’ont toujours pas abouti. « Nous ne sommes pas considérés comme des agents de la fonction publique, nous sommes contractuels non permanents. » Pour un enfant accueilli, la rémunération avoisine le Smic, auquel viennent s’ajouter des indemnités d’entretien journalières.
Liens affectifs
Aimer les enfants ne suffit pas. Un agrément et une formation idoine (60 heures complétées par 240 heures sous trois ans) précèdent le premier accueil. Il y a six ans, Jean-Luc s’est vu confier un premier petit garçon de 8 ans. Enfin, Jean-Luc, son épouse Béatrice et leurs cinq enfants. Car s’il n’y a qu’un assistant familial, garant du projet éducatif, il est bien question d’une famille d’accueil. Le terme n’est pas galvaudé. « Nos enfants avaient entre 15 et 21 ans à l’époque. Nous voulions juste qu’il y ait une différence d’âge conséquente entre notre dernière et l’enfant accueilli. » Astrid, la cadette, évoque avec simplicité cette arrivée. « J’étais habituée à vivre dans une famille nombreuse, sourit-elle. Bien sûr on ne pouvait pas avoir de rapport aussi spontané avec lui, il fallait faire attention à ses réactions, ne pas être dans l’affrontement physique ou verbal. Cela nous a appris à créer des relations plus apaisées, même entre nous », analyse la jeune femme. « C’est venu en complément de notre vie de famille », glisse Béatrice.
L’attachement est palpable, « indispensable » selon Jean-Luc. « S’il n’y a pas de liens affectifs, rien ne peut se faire. Les enfants en ont besoin pour se sentir en sécurité, en confiance. C’est à nous de leur donner ça et, à la fois, d’avoir toujours conscience que ce n’est pas notre enfant, qu’il nous est confié pour un temps donné. » D’où l’importance de « travailler en équipe », avec l’éducateur référent, le psychologue, les services de l’Aide sociale à l’enfance mais aussi les enseignants, médecins… « On ne guérit pas tout mais on voit l’enfant évoluer, c’est une expérience très riche, qui marque à vie. »
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