Serge Boulanger : « Ce département est formidable »

Le nouveau préfet de la Vienne va bientôt présenter aux élus sa vision du territoire à l’horizon 2030. Serge Boulanger appelle en particulier au dialogue sur les sujets brûlants liés à l’eau. Il réfléchit notamment à créer des réserves de substitution portées par des acteurs publics.

Arnault Varanne

Le7.info

Vous êtes en poste depuis fin novembre. Quel regard portez-vous sur le territoire ?
« Ce département est formidable. D’une commune à l’autre, je découvre un beau patrimoine, des entreprises performantes, des élus mobilisés... Mais il y a une sorte de pudeur. On manque d’attractivité. »

Vous voulez initier une démarche intitulée « Vienne 2030 » aux côtés des élus. De quoi s’agit-il exactement ?
« L’idée est de travailler ensemble sur des problématiques, comme la mobilité des habitants. De manière très concrète, j’essaie de trouver un partenaire bancaire, des mécènes ou la Banque des Territoires, qui accepteraient de financer des voitures pour des jeunes en sortie d’apprentissage ou de formation en milieu rural, le temps qu’ils puissent s’en acheter une ou en louer une... Les questions de mode de garde et d’emploi sont aussi très liées. Il ne faut pas opposer l’urbain et le rural. L’enjeu de ce plan, c’est d’expérimenter, de tester. » 


Un préfet reste en moyenne deux ans et demi dans un département...
« Je ne le fais pas pour moi mais pour engager le territoire dans une dynamique. La transition écologique doit être notre leitmotiv, avec l’acceptabilité au cœur de la démarche. J’aimerais que la Vienne devienne un démonstrateur de ce qui se fait de bien. »

Quand allez-vous présenter votre vision aux élus ?
« D’ici quelques semaines. Ce sont eux qui vont mettre en œuvre ce projet. Tout le monde a mon 06, ils m’appellent. »

La question de l’eau, en particulier pour un usage agricole, divise profondément. Comment remettre du consensus ?
« L’eau est ici un sujet passionnel, violent, avec des positions de part et d’autre extrêmement tendues. Je ne le comprends pas. Tout le monde est à peu près d’accord sur l’état des lieux et l’objectif à terme, une réduction des prélèvements, la restructuration des cours d’eau... On diverge sur la phase intermédiaire, les cinq à dix ans pour atteindre nos objectifs. Les réserves de substitution constituent un bout de la réponse, mais elles n’ont un intérêt que si on change de modèle. J’ai le plus grand respect pour les associations environnementales, mais je défends aussi l’exploitant agricole qui a besoin de vivre. »

« Imaginer des réserves accessibles aux petits, moyens et gros exploitants. »

L’Etat peut-il trouver une voie médiane concernant les bassines ?
« Notre marge de manœuvre est étroite, mais l’étude HMUC (Hydrologie, milieux, usages et climat, ndlr) démontre qu’avec les ressources en eau l’hiver et celles de l’été, on arrive à répondre aux besoins immédiats de l’agriculture, du monde industriel, de la population et de la centrale nucléaire de Civaux. A l’initiative d’un élu du Département, nous sommes en train de travailler sur l’hypothèse de la création d’une ou plusieurs réserves, plus petites, qui seraient sous portage public. Il faut que nous puissions imaginer des réserves accessibles aux petits, moyens et gros exploitants. »

Est-ce à dire que le protocole du bassin du Clain (trente réserves) n’ira pas au bout ?
« Non. Le protocole est signé et certaines réserves sont susceptibles de sortir de terre dans les prochains mois. L’Etat de droit s’appliquera. »


Avec quels moyens les élus, pourront-ils construire la Vienne à l’horizon 2030 ?
« Sans les maires, les élus, nous ne sommes rien. Ils sont inquiets, préoccupés de la situation internationale, des incertitudes budgétaires... Mais il est logique que tout le monde prenne sa part dans la réduction du déficit. L’année 2025 ne va pas être la plus compliquée car les communes sont en fin de programme. Pour d’autres collectivités, comme le Conseil départemental, c’est plus difficile. Je suis confiant, nous aurons des moyens. »
 

« Pas là pour faire de la politique »

Un style différent de son prédécesseur
« Chacun son style ! Moi, je suis obsédé par les notions de dialogue et d’écoute. Je discute avec tout le monde. Je ne suis pas là pour faire de la politique, pour faire campagne. Le préfet est là pour servir le territoire, tout le territoire. Les élus le savent. Les choses se sont apaisées avec Poitiers et Grand Poitiers et c’est très agréable. Mais je dois souligner que mon prédécesseur était très apprécié, il a laissé une très grande marque de par son investissement dans les dossiers. »

Les commissariats de Poitiers
« Les deux bureaux de police des Couronneries et des Trois-Cités rouvriront fin mars. Nous irons bientôt avec la maire de Poitiers et le procureur de la République faire une visite de chantier. Les associations nous l’ont demandé avec force, cette réouverture est un bon signal. »

Contentieux administratif
(Son prédécesseur a assigné la Ville et Grand Poitiers plusieurs fois devant le tribunal administratif, ndlr) « Ce n’est pas ma façon de faire... On a des élus qui participent à faire évoluer la jurisprudence en prenant une délibération qui ne passera pas le contrôle de légalité. Par exemple, il y a quelques jours, j’ai dû faire savoir à un certain nombre d’élus qui ont délibéré (Ville de Poitiers, Grand Poitiers, communauté de communes Vienne et Gartempe notamment) sur les autorisations spéciales d’absence liées au congé menstruel que c’était illégal, en l’état du droit. Ils doivent retirer leur délibération, à défaut nous irons devant le tribunal administratif. Mais on ne peut pas rester aveugle devant certaines évolutions sociétales... »

 

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