mardi 24 décembre
Dans le cadre des 40 ans de La Blaiserie, l’artiste Mahn Kloix peint sur les pignons d’immeubles de Bel-Air des portraits d’habitants désignés par leurs pairs et consentants pour faire partie de cette aventure… monumentale !
La Covid-19, le confinement, l’ampleur du projet… Marie-Josèphe, une Poitevine du quartier Bel-Air, ne s’en cache pas : « Quand Gwen (ndlr, Gwenaël Caillaud, directeur de La Blaiserie) m’a appelée, je n’y croyais pas trop, c’est pour ça que j’ai joué le jeu ! » Et puis il y a eu le shooting photo et l’artiste marseillais Mahn Kloix a commencé son œuvre monumentale : quinze portraits d’habitants sur dix pignons d’immeubles, en six semaines. « A l’occasion des 40 ans de La Blaiserie, nous voulions faire un cadeau aux habitants, souligne Gwenaël Caillaud. Ce quartier, ce ne sont pas que des murs et du ciment mais les gens qui y vivent. » Ainsi est né le projet « A caractères uniques ». « L’idée était que les habitants se cooptent entre eux pour choisir les volontaires qui voudraient être peints, explique Anne Gobin, animatrice culturelle. Les refus ont été rares. »
Ainsi, depuis deux semaines, le portrait de Marie-Josèphe couve de son regard la rue Rique-Avoine. Sans regret. « Bel-Air, c’est Bel-Air, lance-t-elle avec affection. Je m’y suis installée pour la première fois en 1990, puis je suis partie, revenue, repartie… » Revenue depuis quatre ans parce que, une fois encore, « c’est Bel-Air et pas ailleurs ».
« Bel-Air à l’époque… »
Tous les habitants qui ont accepté d’apparaître sur les façades ont une histoire avec le quartier. Le plus jeune modèle, Oumar, 6 ans, a posé avec sa sœur Maïmouna, 9 ans. Le ou la plus ancien(ne) a plus de 80 ans. Odette, coquette, avoue juste avoir dépassé les 80 printemps. Pour la photo, elle s’est coiffée d’une élégante capeline et a réclamé « Le Petit Bal perdu » de Bourvil, pour être flashée en flagrant délit de danse. Elle est arrivée à Bel-Air en 1992. « Il y a eu beaucoup de mouvement, évoque-t-elle à demi-mot, mais aujourd’hui c’est plus calme que c’était, heureusement ! »
Du haut de ses 86 ans, Amédomé habite le quartier depuis…. « le 17 octobre 1960 », assène-t-il. Il arrivait de Lomé, avait 25 ans, était étudiant. « Bel-Air à l’époque était un champ sur lequel on avait posé les cabanes des soldats américains, où les filles qui sortaient le soir se faisaient agresser sans que leurs plaintes ne soient retenues. Matériellement et moralement, le quartier a beaucoup changé », confie l’ancien professeur de philosophie. Puis, levant les yeux vers son portrait : « La forme est assez réussie, mais il y a beaucoup trop de traits, je n’ai pas de rides ! » lâche-t-il d’une voix tonitruante.
Plus discret, Jean-Pierre, 62 ans, a accepté de poser mais « en solitaire militaire », et les poings devant « dans un mouvement de colère ». A l’inverse, Patricia a souhaité figurer avec Laëtitia et sa fille Alice. « On a été les premières au shooting photo, on a beaucoup rigolé », résume-t-elle.
Tous ces inconnus d’hier sont devenus familiers à Mahn Kloix qui les croque du haut de sa nacelle, tandis qu’au sol Karamba s’occupe des relations publiques. Car le projet fait parler ! L’artiste savoure. Après avoir peint les acteurs de mouvements sociaux ou politiques à New York ou Madrid, le graffeur a trouvé à Bel-Air le terrain d’un nouvel engagement social et humain. « Je viens de Marseille, alors ici, pour moi, c’est un petit village. Je suis parti de l’exploration d’un territoire, d’un quartier, d’une population. Et j’ai droit à de sacrés personnages ! »
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