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Marie-Monique Robin : « La seule solution est de préserver la biodiversité »
Catégories : Environnement, Biodiversité, Ecologie Date : mardi 16 février 2021A travers son nouvel ouvrage, La Fabrique des pandémies, la journaliste et réalisatrice deux-sévrienne Marie-Monique Robin plaide aux côtés des scientifiques pour une préservation de la biodiversité, seule solution contre une épidémie de pandémies.
Comment l’idée de ce livre est-elle née ?
« Il y a un an, en lisant dans le New York Times un article intitulé « We made the coronavirus epidemic », dans lequel David Quammen écrivait que nous étions responsables de la pandémie. J’ai alors cherché à en savoir plus. Je me suis rapprochée de 62 scientifiques qui m’ont tous dit que si l’on veut éviter les pandémies, la seule solution est de préserver la biodiversité. »
Les pandémies, au pluriel... ?
« Ils m’ont confirmé trois éléments : que l’on était entré dans une ère de confinement chronique, qu’ils savaient que cette pandémie finirait par arriver et qu’elle n’était somme toute pas très méchante (1% de mortalité) au regard d’autres, comme Ebola qui tue 60 à 80% des gens contaminés, qu’au lieu de dépenser des milliards dans des recherches pour des vaccins, il fallait surtout se préparer à long terme. Jusque dans les années 70, on notait l’apparition d’une nouvelle maladie infectieuse tous les quinze ans. Depuis le début des années 2000, il y en a une à cinq nouvelles tous les ans. Tant que l’on continuera à déforester… Les forêts sont de véritables réservoirs de biodiversité, en les détruisant on laisse échapper des zoonoses. »
Le virus Ebola est apparu en 1976. Pourquoi la prise de conscience est-elle aussi lente ?
« La biodiversité n’est pas considérée comme une cause majeure. Bien sûr, tout le monde s’émeut devant la liste des espèces en voie d’extinction, mais il est plus compliqué de faire admettre le lien entre la destruction de la biodiversité et la pandémie. On a l’exemple du virus Nipah, en Malaisie. On a déforesté à Bornéo pour produire de l’huile de palme. On a détruit l’habitat des chauves-souris, qui sont parmi les principaux réservoirs d’agents pathogènes. Elles se sont réfugiées dans des plantations de manguiers, sous lesquels on faisait de l’élevage intensif de porcs. Sous l’effet du stress, elles ont excrété au-dessus des porcs. Rien de tel pour « humaniser » un virus, lequel s’est ensuite exporté en Chine et à Singapour. Et c’est toujours la même histoire ! La biodiversité malmenée par l’activité de l’Homme a des conséquences sur nos systèmes immunitaires. Pourquoi la pandémie a-t-elle fait très peu de morts en Thaïlande ou en Afrique ? Parce que les enfants entre 0 et 2 ans sont exposés à la biodiversité. A force de nous aseptiser, on nous a fragilisés. »
Que révèle, selon vous, la dilution des propositions de la Convention citoyenne dans le projet de loi « Climat et résilience » ?
« Que nous n’avons toujours pas pris la mesure de ce qui est en train de se passer. L’urgence est telle que la politique des petits pas, comme l’a dit Nicolas Hulot, ne suffit pas. La bonne nouvelle c’est que ce n’est pas inéluctable. Les solutions, on les connaît, mais il faut une vraie volonté politique et affronter les lobbies contraires. Il faut aussi que les citoyens se mobilisent pour pousser leurs élus. »
La Fabrique des pandémies, Editions La Découverte, 352 p., 20€.
Sur le même sujet, Marie-Monique Robin était mardi l'invitée de 7 à la Une.
Crédit : Solène Charasse
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