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Marylou Mayniel. 27 ans. Musicienne, auteure-compositrice et interprète connue sous le pseudo « Oklou ». A étudié le piano et le violoncelle au Conservatoire de musique de Poitiers. Se distingue aujourd’hui sur la scène électronique, avec sa pop douce et éthérée. Sorti en septembre, son premier album est adoubé par la critique.
Dans son appartement parisien, Oklou admet tourner en rond. En ce début d’année 2021, la musicienne de 27 ans devait entamer une petite tournée en Europe (Bruxelles, Londres, entre autres) pour défendre Galore, sa première mixtape parue fin septembre sous le label indé Because. Mais la crise sanitaire a décidé de jouer les prolongations, après l’avoir déjà empêchée de venir jouer au Confort moderne, en 2020. « Au départ, je le vivais plutôt bien. Ca me laissait le temps de travailler et j’aime justement pouvoir prendre mon temps. Mais là, ça commence à être « relou ». »
La frustration est d’autant plus grande pour la Poitevine d’origine qu’elle éprouvait, enfin, un désir de scène. « Je n’ai jamais été une performeuse, ce n’est pas ce que je préfère dans mon métier. Sur scène, j’ai l’impression de ne pas croire à ce que je fais. Mon répertoire était sans doute trop décousu, j’étais encore en recherche. » Jusqu’ici, Oklou n’avait en effet signé que deux EP -Avril en 2014 puis The Rite of May en 2018-, quelques singles numériques et collaborations qui laissaient déjà transparaître un son éthéré, à la croisée des genres entre electro, pop et r’n’b. Et cette voix cristalline modifiée à l’auto-tune (*), outil assez peu prisé des chanteuses. « Ca s’est imposé comme un choix esthétique, qui me permettait de créer n’importe quelle mélodie vocale. Je ne suis pas Mariah Carey ! Je triche en quelque sorte pour arriver à mes fins. »
Galore est, de loin, son plus gros projet. Onze titres comme une « échappée », introspective, avec cette image fantasmée du berger se retirant dans sa montagne. Ecrits dans la foulée d’un épisode douloureux. « La musique n’est pas mon médicament, tient-elle à préciser. C’est plus une manière de marquer un moment, de laisser une trace. Je suis archi romantique, très drama dans la vie… J’avais envie de le sublimer, d’en faire quelque chose de joli. » Cette direction n’étonne pas son ancien professeur de solfège au Conservatoire de musique de Poitiers, Laurent Sureau, qui se souvient d’une « petite fille passionnée, généreuse, douce et mélancolique ».
Du conservatoire à internet
Marylou Mayniel, de son vrai nom, fait partie de la nouvelle vague pop qui assume cette double culture, à la fois classique et contemporaine. Entrée au conservatoire dès l’âge de 4 ans, elle y a appris le violoncelle et le piano, auquel elle revient d’ailleurs peu à peu dans ses live. « Je suis très reconnaissante de ma formation classique, dit-elle. Mais ce répertoire n’est pas plus riche et alternatif que Pink Floyd ou Kate Bush. » Née de parents investis dans le milieu de la danse traditionnelle, Marylou ne rêvait pas d’une carrière dans la musique. Cette possibilité s’est progressivement imposée à elle, la cadette de la famille. « La musique a toujours été mon activité principale, partagée entre les groupes de rock, de jazz… Après le bac, c’est ce que je savais faire de mieux. »
C’est dans son petit studio d’étudiante, à Tours, qu’elle découvre le traitement audio par ordinateur, la richesse des sons digitaux, la plateforme d’écoute en ligne Soundcloud et sa vaste palette d’artistes… « C’était comme m’ouvrir au monde. » Elle compose et partage ses premiers sons sur internet, sous le pseudo Oklou. Le déclic. « Après le bac, il y a cette espèce de pression à avoir un objectif dès 18 ans. Au contraire, je pense qu’il faut aller dans des endroits, faire des rencontres, surtout quand tu fais de l’art… C’est cet environnement-là qui m’a le plus portée. »
Les contacts noués sur la toile la conduisent à Paris où elle co-fonde notamment TGAF, un collectif de DJ féminines avec lequel elle joue sur les ondes de la BBC. La scène anglaise l’attire, elle décide donc d’aller tenter « une expérience » à Londres courant 2016. Là-bas, elle signe avec le label NUXXE, qui compte dans son giron des pointures de l’electro comme Coucou Chloé ou encore Sega Bodega. Mais Oklou ne s’épanouit pas autant qu’elle l’espérait Outre-Manche. « Je m’y suis un peu trop reposée, j’ai manqué de dynamisme, d’ambition. Au bout de deux ans, je me sentais vide. » Elle quitte la Grande-Bretagne à l’été 2019 pour aller se ressourcer pendant un mois aux Etats-Unis, avec un groupe d’amis. Et, sans l’avoir programmé, pose les premières bases de Galore avec le producteur et artiste canadien Casey MQ.
« J’ai arrêté de me projeter »
La première mixtape d’Oklou a trouvé un écho certain à sa sortie, adoubée par Les Inrocks ou encore Libération. « Dans un sens, je ne suis pas étonnée car l’intention et la réalisation étaient habitées, proches de moi. Qu’on aime ou pas, c’est sincère. » Plus que les louanges de la presse, Marylou dit recevoir « avec beaucoup de bonheur et d’émotion » les retours enthousiastes et spontanés d’artistes qui l’inspirent depuis des années. De Caroline Polachek à AG Cook, en passant par Arca… Peut-être des collaborations à venir. Sensible au 7e art, à la pop culture en général, Oklou se verrait bien, aussi, signer la bande-originale d’un court-métrage ou d’un film. Rien n’est figé, l’artiste ne se fixe aucun plan de carrière. « J’ai arrêté de me projeter. Par définition, mon travail est connecté à mes émotions, mes états d’âme. Je ne suis pas méga-productive, pas une geek du son. » Vivement la suite.
(*) Logiciel correcteur de tonalité popularisé, entre autres, par Maître Gims ou Jul.
DR - Till JanzÀ lire aussi ...