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Confinement : le retour de l’âgisme
Catégories : Société, Santé, Covid-19 Date : mardi 09 février 2021Si un troisième confinement était décrété, ne devrait-il pas concerner uniquement les plus âgés ? L’idée fait débat en France. Des experts locaux proposent des alternatives.
« Non ! Non ! Non ! Les résidents d’Ehpad n’attendent pas la mort, ils vivent ! » Le docteur Arnaud Caupenne a réagi vivement sur Twitter, le 19 janvier dernier, à des déclarations entendues sur CNews. Le médecin gériatre du CHU de Poitiers n’a pas supporté les propos du Pr Michaël Peyromaure, chef du service d’urologie à l’hôpital Cochin à Paris, qui évoquait la campagne de vaccination contre la Covid-19 en ces termes : « Aller vacciner à marche forcée dans les Ehpad des gens qui attendent la mort, c’est très, très dérangeant. » Au coeur de l’action, Arnaud Caupenne constate au contraire qu’« aujourd’hui les formes graves décèdent en s’asphyxiant dans les unités Covid. Voilà la réalité. Leur permettre d’éviter cela est un principe de dignité humaine ». Quelques jours plus tard, l’association des jeunes gériatres, dont il est le porte-parole, se fendait d’un communiqué pour « mettre fin à l’épidémie d’âgisme ».
Alors que plane l’ombre d’un troisième confinement, l’idée d’assigner à résidence les personnes d’un certain âge fait aussi son chemin. Sans que le seuil ne soit d’ailleurs vraiment fixé. Pour le sociologue poitevin Michel Billé, les choses sont claires : « Il ne faut pas définir une date de péremption. Tout Homme, quel que soit son âge est un être vivant, sa vie n’a pas plus de valeur qu’une autre. Méfions-nous des segmentations sociales inconciliables avec le souci inclusif de la société. » Si chacun peut avoir ses considérations personnelles, là, c’est un choix de société qu’on réclame aux politiques. « Il ne faut pas se sentir coupable d’être vieux, ce n’est pas un privilège, mais un droit », renchérit le spécialiste du vieillissement. Qui appelle à ouvrir un « dialogue entre les générations » pour que chacune comprenne la valeur de l’autre.
Confinement sur ordonnance
La question se pose encore plus gravement dans certains Ehpad où « pour protéger, on va enfermer et isoler », constate Michel Billé. Il n’accuse pas ces établissements, soumis à des règles administratives. Il questionne des pratiques. Tout comme le Pr Roger Gil rappelle que « la liberté de voir ses proches joue sur la santé ». Le directeur de l’Espace régional de réflexion éthique évoque des « tensions entre une volonté sécuritaire et le bien-être des gens ». « Il ne faudrait pas affaisser le désir de vivre des personnes âgées sous prétexte de les protéger. » Non aux règles appliquées « de façon aveugle ». Pour lui, il est nécessaire de « personnaliser » la prise en charge en ces temps de crise. D’ailleurs, plus largement, le Pr Gil propose de substituer le « concept de vulnérabilité » à celui de l’âge. Ce qui aurait pour mérite d’intégrer des facteurs de comorbidité tels que des maladies chroniques. Comme pour la vaccination. Dans la Vienne,
44 000 personnes sont ainsi jugées prioritaires. L’âge ne serait plus qu’« un facteur de risque parmi d’autres ». Et ce serait alors au « médecin traitant de prescrire le confinement ». Au plus près de la personne concernée.
Pour aller plus loin, Michel Billé sera l’invité de 7 à la Une, ce mardi à 12h, sur la page Facebook du 7.
Guy Le Charpentier a co-fondé l’entreprise solidaire ReSanté-Vous en 2008 avec Nicolas Roumagne. Aux côtés d’une équipe transdisciplinaire constituée notamment d’ergothérapeutes, de psychomotricien, d’experts en activités physiques adaptées, ils proposent de « réenchanter la vieillesse » à travers différentes stimulations cognitives. Ces professionnels interviennent dans plus de 200 Ehpad de Nouvelle-Aquitaine.
Sur le confinement, son avis ne diffère pas de celui de Roger Gil : « Le confinement sélectif n’est pas aberrant en soi, mais il ne doit pas reposer sur le critère de l’âge. Plutôt sur l’état de santé de la personne. » Il plaide aussi pour une application mesurée des règles dans les établissements spécialisées. L’idée ? Ne pas confondre hygiène et santé. « Il est indispensable de protéger les plus vulnérables avec les gestes barrières. Mais il faut aussi avoir en tête que le port du masque est anxiogène pour certains résidents et les prive de sourires. »
Lors du premier confinement du printemps dernier, Guy Le Charpentier est parvenu à convaincre les services de la préfecture que ses salariés devaient continuer à intervenir dans les établissements spécialisés, alors qu’ils étaient interdits d’accès comme toutes les personnes extérieures. « Lorsque la règle ne me semble pas juste, je la discute. Nous proposions un levier d’épanouissement et de lutte contre l’isolement. » Il a également constaté que les résidents et les employés de ces établissements s’étaient beaucoup rapprochés pendant ces périodes de crise. Et à la question de savoir si les résidents sont consultés par la direction pour ces grandes réorganisations, il souligne que « certains Ehpad ont saisi leur conseil de vie sociale ». Il s’agit d’une instance composée de représentants des résidents, des familles et du personnel qui donne son avis et fait des propositions sur tous les sujets liés au fonctionnement de l’établissement. « Port du masque, confinement strict en chambre… Dans cette agora, chacun a son mot à dire. Les résidents ont la possibilité de donner leur avis quand on leur explique. » Des exemples à généraliser. Signe encourageant : beaucoup de structures ont aussi pris le temps d’expliquer les avantages et les inconvénients des vaccins.
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