Naomie Vogt-Roby, l’acrobate qui monte

Naomie Vogt-Roby. Circassienne de 21 ans, spécialiste du mât chinois. A grandi à Poitiers, dans le cirque de ses parents, Corinne Vogt et Octave Singulier. Passée par les écoles de cirque de Châtellerault puis de Québec, au Canada, elle démarre sa carrière d’acrobate professionnelle. Signe particulier : travailleuse et déterminée.

Steve Henot

Le7.info

Fini le temps de l’amusement, de l’insouciance. Le cirque, c’est désormais du sérieux, son métier à temps plein, son gagne-pain. Naomie Vogt-Roby a obtenu ses galons d’acrobate professionnelle avant l’été, à l’issue de trois années d’études à l’école de cirque de Québec, au Canada. Démarrer une carrière en période de pandémie, a fortiori dans le milieu du spectacle, on a connu plus aisé pour s’insérer sur le marché du travail… Et pourtant, les pirouettes de la Poitevine sur son mât chinois ont vite tapé dans l’œil du célèbre Cirque Eloize. Résultat : un premier contrat dès septembre, pour une participation à un spectacle d’une heure trente, Sept moments de joie, enregistré en mode confiné puis diffusé sur la toile pendant les fêtes de fin d’année.

Une aubaine par les temps qui courent. « Je suis presque la seule de ma promo à travailler », observe la jeune femme. D’autres sollicitations ont suivi, malheureusement freinées par l’aggravation de la crise sanitaire au pays de la feuille d’érable. Naomie en a donc profité pour revenir en France cet hiver, chez elle, au cirque d’Octave Singulier, son père. Depuis, elle s’entraîne seule dans le grand chapiteau, à raison de huit heures par jour. Mais elle reconnaît que, sans spectacle à l’horizon, « on ne sait plus trop pourquoi on s’entraîne au bout d’un moment ».

« Donner de la joie au public »

Née à Poitiers il y a 21 ans, Naomie a grandi dans cet univers coloré, festif et joyeux d’artistes et de performeurs en tout genre. « Le cirque a d’abord été pour moi un espace de jeu, j’ai appris en m’amusant. » Elle participait même à quelques numéros, lors des galas de Noël. C’est là qu’est née sa vocation, dès l’âge de 9 ans. « J’aimais donner de la joie au public, être sur scène, évoque-t-elle. Ma mère m’a dit que c’était un métier difficile, où tout peut s’arrêter en une blessure. Mais je sentais que je pouvais réussir. »

« Travailleuse », la cadette de la famille -elle a deux frères de 24 et 27 ans- intègre l’école de cirque de Châtellerault « avec des bases en tout ». Elle y découvre le mât chinois, qui est devenue sa discipline de prédilection. « Au début, ça ne me plaisait pas vraiment. Mais c’est en voyant d’autres artistes évoluer sur le mât que je me suis dit : « On peut donc faire tout ça avec ?! » ». L’année de sa terminale, elle passe des auditions dans plusieurs grandes écoles de cirque. Bruxelles, Stockholm… Elle choisit celle de Québec. « J’avais envie de voir autre chose, une autre culture, de voyager. » Alimentation, danse, jeu d’acteur, maquillage… La formation y est très complète. Là-bas, Naomie s’ouvre à d’autres disciplines, notamment la roue cyr ou la voltige. Surtout, elle y apprend à mieux connaître son corps, à ménager cet instrument de travail si précieux, souvent mis à rude épreuve. Brûlures, fractures de fatigue, coccyx déboité… La jeune femme a eu son lot de blessures. « Grâce à la méditation et à la préparation mentale, on apprend à voir où sont ses limites, dit-elle, montrant les multiples couches de vêtements qui servent à protéger ses membres du frottement avec le mât. Aujourd’hui, si je me sens fatiguée, je ne me sens pas coupable de m’arrêter deux jours. » La marque des pros.

Ascension maîtrisée

Mais bien avant de tourner avec des compagnies de cirque, Naomie a tourné pour… le cinéma. En 2016, le réalisateur Damien Manivel cherche une jeune acrobate pour incarner l’un des rôles principaux de son prochain film, tourné en grande partie à Poitiers. Il sonde l’école de cirque de Châtellerault, le cirque d’Octave Singulier, un club de gymnastique… Tous l’orientent vers Naomie. A la table d’un bar, l’ado se laisse convaincre, s’abandonne à cette proposition, curieuse. « Ca m’a aidée à être à l’aise devant une caméra. » Elle participe aussi à la promotion du film, donne ses premières interviews, foule même les marches du festival de Cannes aux côtés des stars du cinéma… Un tourbillon de près de deux ans, intense, qui l’a « fait grandir super rapidement », convient-elle aujourd’hui.

Cette expérience dans le 7e art aurait pu se prolonger. Naomie n’a pas souhaité y donner de suite, pour l’instant. « J’ai toujours mis le cirque en avant, explique-t-elle. Mais si d’autres propositions me parviennent plus tard, j’accepterai à 100%. » Pas question de se précipiter. Son objectif ? Retourner au Canada dès que possible pour s’installer dans un réseau d’artistes circassiens. Et vivre enfin cette expérience de « grands show à l’américaine, à gros budgets », en présence du public. « Là-bas, ils n’ont pas cette culture des artistes de rue, comme en France. » Elle restera attentive aux opportunités dans l’Hexagone. David Ayotte, son binôme dans Sept moments de joie, lui a déjà proposé de participer à la prochaine tournée européenne de sa compagnie… Qui reste suspendue à l’évolution de la situation sanitaire. En attendant, Naomie ne veut rien laisser au hasard. Outre son entraînement quotidien, la Poitevine apprend depuis peu le… saxophone, avec l’instrument de son père. « Je me force à en faire, mais je commence à apprécier, glisse-t-elle, dans un sourire. J’essaye de trouver d’autres choses à faire pour ne pas perdre mon temps. Plus tu es polyvalent, plus tu as de chances de percer. » Les muscles et une volonté de fer.

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