C’est la grande différence avec le précédent confinement. Si les salles de spectacles sont restées fermées, elles ont cette fois été autorisées à poursuivre leurs activités de résidence d’artistes et de médiation en milieu scolaire.
Au pied des grilles, le Confort moderne semble comme à l’abandon. Pourtant, ce haut lieu des cultures alternatives continue de vivre, de l’intérieur. Les douze chambres et studios, destinés aux artistes en résidence, sont tous occupés, sans interruption, depuis le 29 octobre. « Ça répond à une partie de la souffrance des artistes, c’est pourquoi on a optimisé nos capacités d’accueil », explique Emma Reverseau, la chargée de communication.
Les artistes se croisent en cuisine ou dans le jardin, échangent parfois sur leurs projets, souvent contrariés par la crise sanitaire. Pour Gautier Serre, c’est une bouffée d’oxygène. Le compositeur et musicien du groupe Igorrr n’avait pas revu ses partenaires depuis le premier confinement. Ils préparent aujourd’hui leur retour sur scène, après deux reports de leur tournée européenne. « Venir en résidence permet de ne pas perdre la main. Quand on s’est retrouvé, on était tous un peu rouillé ! Entretemps, j’ai fait de la maçonnerie chez moi, posé quelques poutres... Comme changé de vie ! »
De la médiation dans les lycées
La résidence a aussi été un « refuge » pour François Marry, du groupe Frànçois & the Atlas Mountains. Il aurait dû ne répéter qu’une semaine. Il est finalement resté tout le mois de novembre, dans une plus large optique de « laboratoire ». « Au printemps, j’étais isolé sans pouvoir contacter quelqu’un de ma génération, confie l’artiste. Ici, on peut jouer avec du volume et, parfois, entendre les répétitions des autres, comme un concert. Ça fait du bien. » Pour Lisa Signorini, artiste touche-à-tout, c’est une phase « catharsistique » (sic), bien qu’elle ne se soit jamais arrêtée de créer jusqu’ici.
Au Théâtre-auditorium aussi, « il se passe plein de choses », souligne son directeur, Jérôme Lecardeur. Les espaces de travail étant libérés en raison des annulations de spectacles « du mois le plus chargé de l’année », le Tap a ainsi mis ses locaux à la disposition de neuf équipes artistiques. Alors qu’elle aurait dû y jouer ses Chroniques martiennes (douze dates déjà programmées au printemps), Emilie Le Borgne a eu l’opportunité de venir développer un projet de recherche dramaturgique autour des héros, en particulier de James Bond. « Habituellement, c’est une étape qui se fait sur le temps libre, de manière très fragmentaire, explique la comédienne et metteuse en scène de la compagnie poitevine Le Théâtre dans la Forêt. Aujourd’hui, je suis privilégiée de pouvoir m’accorder ce temps, c’est très précieux. »
Si les salles sont fermées, la culture n’est donc pas confinée. Les compagnies sont en effet autorisées à se produire dans des établissements scolaires. Ainsi, Emilie Le Borgne a été invitée à aller jouer une version radiophonique de ses Chroniques Martiennes aux lycées du Bois-d’Amour, Aliénor-d’Aquitaine et au collège Jules-Verne. Un moment salvateur. « Il faut que l’on apprenne de ce que l’on est en train de faire. J’y vois deux choses : ne pas être dans la course à la création et s’autoriser des formats ponctuels comme ceux-ci, à géométrie variable. » Plus que jamais invité à se réinventer, le spectacle vivant poursuit son travail d’introspection pour continuer à surprendre.