Gamma Draconis, une fiction picto-japonaise

Gamma Draconis est la première création originale de la maison d’édition poitevine Le Lézard Noir, spécialisée dans le manga. Le Japonais Eldo Yoshimizu y illustre un récit imaginé par le journaliste poitevin Benoist Simmat. Entretiens croisés.

Steve Henot

Le7.info

Racontez-nous la genèse
de Gamma Draconis...

Benoist Simmat : « Ça part d’un hasard incroyable. En écrivant un article sur les éditions Le Lézard Noir pour L’Express, on s’est aperçu avec Stéphane Duval, le directeur, qu’on habitait à 
200 mètres l’un de l’autre. Le jour où il s’est décidé à se lancer dans la création, il m’a proposé de faire ce projet très original, une fusion franco-japonaise avec Eldo au dessin. »

Eldo Yoshimizu : « Stéphane m’a raconté le concept lorsque je créais le deuxième volume de mon diptyque Ryuko. (…) Cette idée me semblait novatrice car ce n’est pas seulement une histoire qui mêle l’occulte et les nouvelles technologies, mais elle parle aussi de la place que prend l’économie dans notre monde. »


B. S. : « C’est du Black et Mortimer classique, très influencé par le cinéma. D’emblée, Stéphane voulait s’appuyer sur ces trois ingrédients que sont l’ésotérisme, qui le passionne, le thriller et le transhumanisme. Ça a toujours fait partie des modes narratifs dans la bande dessinée. Même dans certaines aventures de Tintin, il y a de la magie, de l’occulte. »


Ce travail partagé entre Poitiers et le Japon a-t-il été complexe ?


B. S. : « La communication entre les trois parties se faisait essentiellement en anglais. Sauf pour certaines parties du scénario que l’on a fait traduire en japonais. Nous avons deux cultures très différentes, à commencer par le sens de lecture, ce qui peut parfois induire des différences d’interprétation. Mais ça n’a pas été si difficile car on a réalisé un très bel objet. »


E. Y. : « C’était difficile de me mettre au service d’un auteur, mais ce fut l’occasion d’enrichir mes expressions. J’ai essayé de faire du mieux possible dans les cadrages, les découpages et la mise en forme des bulles afin que les lecteurs ne s’ennuient pas car certaines scènes ont beaucoup de dialogues. Pour le design des personnages, je me suis amusé à les visualiser à mon goût tout en respectant l’idée de Benoist. C’était mon rôle d’insuffler de la vie aux personnages. »


Aiko est une héroïne forte, combative et déterminée, dans l'air du temps. Quelles ont été vos inspirations ?

E. Y. :  « Le point de départ, c'était Oryu, le personnage de La Pivoine Rouge, un film de yakuzas, et le manga Queen Esmeralada de Leiji Matsumoto (Albator). Aujourd'hui, c'est Jacinda Ardern, la Première ministre de Nouvelle-Zélande, ou encore la joueuse de tennis Naomi Ôsaka qui m'inspirent. Je suis attiré par les femmes qui ont une conviction forte. »


Le récit traverse notamment beaucoup de lieux, tous immédiatement reconnaissables.


B. S. : « Cela faisait partie des figures imposées. On voulait proposer une visite dans différents lieux qui nous tiennent à cœur, chacun pour diverses raisons. Londres, Paris, Poitiers, Tokyo et Osaka. On a par exemple emmené Eldo à l’abbaye de Ligugé, c’était important qu’il s’imprègne de l’ambiance. Eldo a une caractéristique : il sait faire des arrière-plans et se rapproche en cela de la tradition franco-belge. »


Eldo, Gamma Draconis vous lie encore un peu plus à Poitiers (*).


E. Y. : « J’ai des points en commun avec Stéphane, qui s’intéresse à l’architecture et à la musique. Quand je suis venu à Poitiers pour lui demander d’éditer mon manga Ryuko, ça faisait environ dix ans que je n’avais pas voyagé à l’étranger. En arrivant, j’ai trouvé que c’était une très belle ville. Les Poitevins ont aussi une forte appétence pour la culture. (...) Le boulanger, la propriétaire du magasin d’ameublement, la dame du bureau de tabac où je vais, le directeur des Beaux-Arts, le docteur du CHU et les infirmières… Quand je les croise dans la rue, ça me fait plaisir de voir qu’ils se souviennent de moi et me saluent. Poitiers est devenu ma deuxième ville. »


Quels sont vos prochains projets ?


B. S. : « Je vais sortir Une histoire du transhumanisme, aux éditions Les Arènes. Preuve que le sujet m'intéresse ! Si l'on prévoit une suite à Gamma Draconis? Le but était d'écrire une histoire qui puisse se suffire à elle-même, tout en proposant une fin ouverte... Ca va dépendre de la vitesse à laquelle va se vendre le stock. Sortir un livre en plein confinement, ce n'est pas évident mais Le Lézard Noir peut compter sur un bon réseau de distribution. »


E. Y. : « Je suis en train de travailler sur un ouvrage intitulé Hen Kai Pan. C'est une histoire dans laquelle les esprits de la Terre jugent l'humanité. La Covid-19 a commencé à faire rage dans le monde depuis que j'ai commencé à dessiner ce manga, de nombreuses personnes sont mortes... J'ai donc pensé que je devais arrêter de développer cette histoire. Mais je continue de dessiner parce que cette envie déborde en moi. J'espère qu'il sera publié chez Le Lézard Noir ! »


 

(*) Le mangaka a réalisé les illustrations pour l’arrivée de la LGV, toujours affichées au Tap et rue Carnot, ainsi que l’exposition Circulations pour le CHU de Poitiers.


Gamma Draconis de Benoist Simmat et Eldo Yohsimizu, éditions Le Lézard Noir (256 pages). Prix public : 24€.

DR - Le Lézard Noir

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