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Pascal, l'agneau qui cache le troupeau
Catégories : Economie, Santé, Agriculture, Covid-19, CHU Date : samedi 18 avril 2020Grâce au traditionnel gigot, Pâques est d’ordinaire une période faste pour la viande d’agneau. Confinement oblige, la filière ovine doit cette année s’organiser pour inventer d’autres débouchés. Avec l’espoir de remettre l’agneau au goût du jour en toute saison…
Au four, de trois ou sept heures, aux petits légumes, en croûte d’herbes… Pâques fait traditionnellement rimer agneau avec gigot, au risque de faire oublier qu’il peut aussi se décliner en côtes, en carré, en filet, en épaule… Et pas uniquement lors des fêtes pascales. En perturbant cette tradition, la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 pourrait remettre cette viande au goût du jour. Toute la filière ovine l’espère.
Plus onéreuse que d’autres, la viande d’agneau est aussi victime d’idées reçues. « Beaucoup ont le souvenir du goût fort du mouton alors que l’agneau est une viande tendre, avec un goût beaucoup moins prononcé », souligne le Charentais Patrick Soury. Depuis le début du confinement, le secrétaire général de la Fédération nationale ovine (FNO) est mobilisé pour inventer de nouveaux débouchés à cette viande qui, privée des traditionnels repas de famille, se retrouve en mal de consommateurs. « A l’échelle nationale, ce sont 450 000 agneaux qui auraient dû être écoulés depuis trois semaines, soit pour le bassin allaitant nord-aquitain (ndlr, 2 500 éleveurs environ installés au nord de Bordeaux) près de 120 000 agneaux. »
Cette année, confinement oblige, « tout est plus compliqué » et la saison d’ordinaire faste, « avec des prix intéressants pour les éleveurs », vire au cauchemar. « Les agneaux de Pâques sont des agneaux très jeunes, entre 3 et 4 mois. Leur coût de production est plus important car ils sont nourris en période hivernale, à partir des stocks de fourrage, de foin, de céréales… Ils ne pâturent pas. Mais d’habitude ce surcoût, d’environ 30€ par bête, est compensé par le prix de vente, autour de 7€/kg, voire plus en démarche qualité. Aujourd’hui, on perd entre 50cts et 1€ du kilo. »
Succès de l’opération caissettes
De surcroît, l’agneau ne suit pas les mêmes circuits de distribution que d’autres viandes. « L’agneau n’est pas traditionnellement présent en drive, il est compliqué de faire des poids fixes et nos opérateurs ne sont pas rompus à ce process », note Patrick Soury.
Néanmoins, « à crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles », répète Guillaume Metz. Le président du groupement Ecoovi (Eleveurs Centre-Ouest ovin, environ 300 éleveurs) et de la Sodem (Société des éleveurs de moutons Poitou-Limousin), principale actionnaire de l’abattoir du Vigeant, est un peu rassuré par la réussite de « l’opération caissettes ». « Normalement la Sodem vend des carcasses entières, nous ne faisons pas de petit conditionnement. » Une fois n’est pas coutume, l’atelier de découpe a fonctionné à plein, ces dernières semaines, pour préparer les caissettes de 5kg de viande d’agneau à destination des particuliers. Disponibles en points de retrait, elles se sont vendues comme des petits pains. Guillaume Metz salue « ce bel élan de solidarité vis-à-vis des éleveurs », d’autant que, parallèlement, « la plupart des GMS (ndlr, grandes et moyennes surfaces), des grossistes et des bouchers mettent en avant l’agneau français. »
Une bataille, pas la guerre
La filière ovine en a bien conscience : elle a gagné une bataille, pas la guerre. « Pour le moment, nous parons au plus pressé. Il y a Pâques, certes, mais la production d’agneaux se poursuit en mai, juin, juillet... On ne sait pas quand les flux commerciaux reviendront à la normale, alors on actionne tous les leviers : publicitaires, commerciaux, financiers auprès des banques pour limiter les problèmes de trésorerie, et techniques en rationnant les agneaux pour prolonger leur période d’engraissement », énumère Patrick Soury.
Eleveur à la ferme du Léché, à Saulgé, Victor Léglantier confie « avoir du mal à ralentir un agneau ». Mais aux grand maux les grands remèdes. A la tête d’un troupeau de 600 brebis, l’éleveur en dédie chaque année « un tiers à l’agnelage pour Pâques, ce qui correspond à environ 260 agneaux ». Mais « en fonction de leur potentiel, tous ne sont pas « finis » à la même date ». L’éleveur en a ainsi écoulé 195 avant le confinement. « Une année autre, cela aurait été dommage… Cette année, cela va juste créer un décalage de trésorerie mais ce n’est pas catastrophique. Alors que pour les éleveurs qui calent toute leur production pour Pâques… En France, il n’y a pas de marché pour de vieux agneaux. »
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