Le salut passera par les sols

Poitiers a été le théâtre d’une conférence internationale autour de l'initiative « 4 pour 1 000 », qui encourage la séquestration de carbone dans les sols. Cette solution contribuerait à freiner le réchauffement climatique.

Steve Henot

Le7.info

Les débats ont été animés, pendant un peu plus de deux jours, dans les couloirs de l'Ecole supérieure du professorat et de l’éducation, à Poitiers. La semaine dernière, l'établissement a accueilli plus d'une centaine de personnes à l'occasion d'un colloque international autour du « 4 pour 1 000 ». Lancée par la France en 2015, lors de la Cop21, cette initiative propose d'encourager la séquestration de carbone dans les sols -d'au moins 0,04% chaque année-, pour freiner le réchauffement climatique et renforcer la sécurité alimentaire. Une solution qui fait son chemin.

« Bien sûr, il faut continuer à baisser nos émissions de carbone, mais dans le même temps nous devons stocker une bonne partie du CO2 déjà présent dans l'atmosphère », explique l'ancien ministre de l'agriculture (2012-2017) et vice-président de l'initiative, Stéphane Le Foll. Comment ? En développant certaines pratiques agronomiques et sylvicoles durables, comme la couverture des sols par les plantes, la restauration des cultures, pâturages et forêts... Des pistes qui résonnent d'autant plus sur le territoire de l'ex-Poitou-Charentes, lequel a perdu un tiers de ses prairies et 420 000 hectares de surfaces agricoles -un peu moins de la moitié- en l'espace de quarante ans. « Moins de bocage, plus d'openfield (des paysages agraires à champs ouverts, ndlr) et moins de matières organiques dans nos sols », résume Philippe de Guénin, le directeur de la Draaf Nouvelle-Aquitaine. Or, « nous avons besoin d'herbivores pour fertiliser les sols et valoriser les prairies permanentes, qui sont des stockages de carbone naturels », appuie Stéphane Le Foll.

Le temps de l'action

Désormais, « il faut aller de l'avant, sortir du cadre théorique, martèle Abad Chabbi, directeur de recherche à l'Inra de Lusignan. Ce colloque doit permettre de fédérer la connaissance à l'échelle internationale, pour pouvoir dresser une feuille de route. » La Région Nouvelle-Aquitaine entend s'emparer de ces problématiques très rapidement, dès le 3 juillet, où une séance plénière dédiée à la transition écologique se tiendra. « A partir de la fin d'année, nous voulons mettre en place un modèle agroécologique global, dans lequel s'inscrit le « 4 pour 1 000 », avec des objectifs à 2030, assure l'agriculteur et conseiller régional Guy Moreau, qui souhaite aussi réduire la transformation de parcelles en surfaces commerciales. Par définition, ce sont des hectares qui ne puisent plus de carbone. »

De son côté, l'université de Poitiers souhaite apporter son concours à la recherche. Une unité mixte (UMR), en collaboration avec l'Inra, pourrait voir le jour d'ici l'année prochaine. « Le président Yves Jean encourage cette idée, confie Abad Chabbi. Nous disposons d'une petite unité écophysiologique que nous devons renforcer par l'étude des sols et l'agroécologie. » Reste toutefois à convaincre des bienfaits du « 4 pour 1 000 », notamment auprès des agriculteurs. « Faire des semis sans déstructurer les sols, c'est difficile à accepter pour eux, observe Stéphane Le Foll. C'est un changement énorme. Il faut donc que l'on puisse donner des exemples, montrer que des agriculteurs ont fait des choix qui vont dans ce sens et que ça marche. » Un long travail de persuasion qui devrait prendre quelques années.

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