Dominik Cordeau. 59 ans. Personnage emblématique de la course hippique. Depuis ses débuts en Charente, le natif de Ruffec a remporté plus de mille courses de trot. Un exploit. Spectateur de la mue de sa discipline, il conserve une passion intacte pour le cheval. Et ne compte pas descendre de son attelage.
Un soleil de plomb brille sur Champagné Saint-Hilaire. En pull et jeans, Dominik Cordeau profite de quelques jours de répit pour s’affairer dans ses écuries. Les semaines à venir lui réservent un programme de course chargé, de Lyon à Bordeaux en passant par Agen. À 59 ans, le natif de Ruffec n’est pas prêt à « raccrocher ». « Il n’y a pas d’âge limite pour courir en France. Tant que la santé suivra, je continuerai. » Depuis ses débuts il y a quarante ans, Dominik Cordeau a remporté plus de mille courses de trot, assis sur son attelage à diriger des chevaux de course. Devenu membre de l’officieux mais non moins prestigieux « club des 1 000 », il fait aujourd’hui partie des légendes de sa discipline.
Dans les pas du baron de Rotschild
Enfant, Dominik Cordeau se serait bien vu footballeur. Mais très vite, le virus « équitation » lui a été transmis par des parents passionnés et propriétaires de quelques chevaux. « Le jour de mon dix-huitième anniversaire, j’ai participé à ma première course pro », se souvient l’intéressé. Dominik Cordeau quitte alors sa Charente natale pour les hippodromes de France et de Navarre. Et glane ses premiers succès de prestige. Amateur de grands défis, aussi bien sportifs qu’extra-sportifs, il rachète, en 1990, les écuries Saint-Hilaire, ancienne propriété... du baron de Rotschild ! Les vingt années qui suivent sont majestueuses. Aux écuries, Dominik Cordeau embauche « une quinzaine de salariés » et entraîne « jusqu’à cent cinquante chevaux », dont certains appartiennent à des grands noms du showbiz, d’Omar Sharif à Patrick Sébastien, en passant par Michel Denisot. Sur les pistes, le Ruffecois d’origine enchante les foules et atteint les sommets avec sa perle rare, Galopin du Ravary.
Le 30 janvier 2000 restera à jamais gravé dans sa mémoire. Retenu pour la première fois de sa carrière au Prix d’Amérique, Dominik Cordeau se présente au départ dans la peau de l’outsider. Au terme d’une course folle, Galopin du Savary lui offre son plus prestigieux résultat : la deuxième place de la course la plus attendue de la saison. « Le Prix d’Amérique, c’est notre coupe du monde à nous. » S’il regrette aujourd’hui n’avoir jamais remporté l’épreuve, il se remémore avec émotion cet « instant magique » en tous points. « Lorsque j’ai franchi la ligne, outre le succès, j’ai vu dans ma tête les trois « 7 » des machines à sous au casino. » Et pour cause. Grâce à cette performance, le Ruffecois a empoché un million de francs.
La relève assurée
Depuis ce jour, la donne a bien changé. Le milieu des courses hippiques souffre désormais de la concurrence des paris sportifs et de la venue de nombreux coureurs étrangers dans l’Hexagone. Les écuries Saint-Hilaire ne comptent désormais plus que deux salariés et soixante chevaux. « C’est la dure réalité du monde du sport, explique Dominik Cordeau. Nous dépendons beaucoup des résultats de nos chevaux. Et des Galopin du Ravary, il n’en naît pas tous les ans. » D’autant que « si on n’a pas de cheval de niveau « Ligue 1 », ça ne sert à rien d’aller courir les épreuves convoitées ». L’an passé, les écuries Saint-Hilaire ont été placées en redressement judiciaire, puis mises en vente par le propriétaire des lieux. « J’ai 59 ans, je ne veux plus en baver pour maintenir l’établissement à flots. » Entre-temps, son fils Julian a manifesté sa volonté « d’arrêter ses études et de reprendre le flambeau ». « Chaque chose en son temps », réplique le paternel, qui a conseillé à son fils d’aller passé six mois en Australie puis en Suède pour découvrir l’hippisme avant de sauter le pas. Dominik Cordeau a choisi de se laisser du temps. « Aujourd’hui, les écuries sont toujours en vente, mais elles ne seront pas bradées. »
À quelques encablures de la soixantaine, le « driver » poitevin ne compte pas pour autant descendre de son attelage. « Je continuerai d’entraîner des chevaux et de gagner des courses tant que je tiendrai sur mes deux jambes », sourit-il. De tous temps, l’hippisme a dicté sa vie, jusqu’à ses choix... politiques. « J’ai choisi de voter Fillon aux Présidentielles car c’est le seul qui s’inquiète de l’avenir de la filière hippique, de par son passé de président de l’hippodrome de Sablé-sur-Sarthe. Mais visiblement, c’est mal parti pour lui... » Les yeux brillants, Dominik Cordeau explique n’avoir « aucune autre passion, aucun autre centre d’intérêt » que son dada. « Dans ce milieu, vous côtoyez aussi bien l’apprenti de base que le milliardaire. Socialement parlant, il n’y a pas plus enrichissant. »