50 nuances d'érotisme

À Poitiers, trois boutiques spécialisées dans l’érotisme se partagent le gâteau des désirs coquins des Poitevins. Très différentes les unes des autres, elles ont pour point commun de souffrir de la rude concurrence du web. Et ce malgré la désacralisation grandissante du sexe en France.

Marc-Antoine Lainé

Le7.info

Qui aurait cru, il y a dix ans, qu’un « Love Shop » trouverait sa place entre une galerie d’art, un café, une boutique d’antiquités et une fanzinothèque, dans l’une des rues les plus emblématiques de la ville aux cents clochers ? Julien Toulouse a tenté le coup. Il y a cinq ans, son associé et lui-même ont ouvert l’enseigne Plaisirs Dévoilés, au 165, Grand’Rue. Misant sur une devanture épurée, vitrée et « pas vulgaire », l’entrepreneur a rapidement séduit une clientèle désireuse de pimenter sa vie sexuelle. À l’intérieur, sex-toys, lingerie, huiles de massage et autres objets érotiques sont exposés « comme les produits d’un commerce classique ». « Nous proposons des objets qui n’ont rien à voir avec la pornographie, mais avec l’érotisme, explique le gérant. Nous nous adressons à toutes les tranches d’âges et toutes les catégories socioprofessionnelles. »

Un peu plus loin en centre-ville, les boutiques Sexo 2000 et La Venus Bleue affichent, quant à elles, le terme « sex shop » sur leur façade, qui ne laisse rien entrevoir de ce qui se cache à l’intérieur. À la différence de Plaisirs Dévoilés, les deux enseignes misent davantage sur les films pornographiques et les cabines de visionnage, prisées de ceux qui souhaitent assouvir certains de leurs désirs en toute discrétion. Les trois gérants se connaissent, mais ne se considèrent pas comme des concurrents. « Chaque boutique a sa spécificité et sa clientèle », comme l’explique Julien Toulouse. Ils tombent toutefois d’accord pour dresser un constat : Internet est en passe de tuer leur business. « Lorsque j’ai ouvert l’enseigne, j’ai connu trois premières années florissantes, avant de voir mes ventes baisser, reprend le patron de Plaisirs Dévoilés. Le marché est pourtant porteur car les mentalités évoluent dans le bon sens, mais les tarifs pratiqués par certains sites nous font de l’ombre. »

« Un marché de niche »

Pour Philippe Arlin, tout n’est pas qu’une question d’argent. « L’ouverture de Love Shops dans les grandes villes est quelque chose de formidable, explique le sexologue poitevin. L’érotisme s’est vraiment démocratisé. Les objets sont plus raffinés et n’ont plus rien de vulgaires. Reste que beaucoup de Français préfèrent acheter sur Internet pour ne pas risquer d’être vus dans ces boutiques. C’est d’autant plus vrai à Poitiers, qui est réputée pour être une ville conservatrice. »

Si les temps sont rudes, l’heure de mettre la clé sous la porte est encore loin pour les trois magasins poitevins. « Je pense que l’érotisme reste un marché de niche, qui va continuer à se démocratiser », reprend Philippe Arlin. Les commerçants peuvent en outre compter sur l’arrivée de nouveaux phénomènes porteurs, comme le film 50 Nuances de Grey, pour doper leurs ventes et accueillir de nouveaux clients. Le deuxième épisode de la saga sortira début février, quelques jours avant la Saint-Valentin. De quoi mettre les trois patrons d’accord sur une idée cadeau pour le 14 février : une paire de menottes !

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