Sylviane Sambor, à l'encre indélébile

Sylviane Sambor. 54 ans. Directrice de la Nouvelle Escampette, maison d’édition implantée à Chauvigny. Fondatrice de l’association « Lire, vivre et goûter, un avenir ». Eternelle ambassadrice du livre et lusophile de longue date, la néo-Aquitaine renaît après une période douloureuse. Signe particulier : sa profonde humanité.

Arnault Varanne

Le7.info

Elle vient sans aucun doute de traverser « la pire période » de son existence, mais n’en garde « que la lumière ». A l’instar de l’écrivain Antonio Lobo Nunes, qu’elle affectionne tant, Sylviane Sambor perçoit « l’humanité » là où la noirceur règne sans partage. Début 2015, elle a perdu son compagnon de route, des suites d’une longue maladie comme l’on dit pudiquement. Plus qu’un éditeur à succès et complice des mots, Claude Rouquet était « l’amour de sa vie depuis plus de trente ans ». Celui-là même qui l’avait l’arrachée à sa condition de future bachelière et fille de commerçants de la place de Villeneuve-sur-Lot.

« Pour lui, j’ai quitté le lycée deux mois avant le bac et je suis partie à Bordeaux. J’étais amoureuse, à la fois de Claude et de la ville. » Et bientôt des livres, alors qu’elle se destine pourtant à des études de mathématiques. « Ça me faisait rêver à l’époque ! » Née sous le signe du sagittaire, « l’adulescente »  embrasse la filière des « Métiers du livre », avant d’enchaîner sur un Deug de Lettres et un DUT Techniques de commercialisation. Avec une obsession : « transmettre » le goût de la lecture. « Aujourd’hui, on appelle cela la médiation. » Au carrefour de la production littéraire et de ses contemporains, la jeune diplômée se rêve en « agent de liaison ». 
 

« Regarder le monde dans sa pluralité »

« Curieuse » et « déterminée », la Bordelaise d’adoption épate par sa détermination et son enthousiasme. Jusqu’à accoucher d’un premier « Festival de la littérature portugaise », dans la capitale girondine, en 1988. Sans un rond ou presque. Ah, le Portugal… Elevée au rang de Commandeur dans l’Ordre de l’Infant Dom Henrique -en mars 2001, par le président Jorge Sampaio lui-même- Sylviane Sambor en parlerait des heures. Exhalerait volontiers les « Saveurs de Porto », dont l’Escampette… de Claude Rouquet fut l’éditeur (*). Evoquerait plus sûrement le talent d’un Fernando Pessoa. Mais au-delà, elle pourrait aussi et surtout disserter sur ses dix-huit « Carrefours de la littérature », autant d’événements de promotion de la littérature belge, égyptienne, palestinienne, suisse, marocaine… «C’était sans doute une manière de regarder le monde dans sa pluralité, une manière de voyager aussi.»

« Une conscience du temps »

Des bonnes âmes, en Aquitaine, Madame la patronne du Carrefour en a rencontrées pendant toutes ces années. Las… A vivre trop intensément cette aventure -avec six salariés dans la structure-, elle a fini par s’épuiser. Et quitter Bordeaux pour Chauvigny, en 2003, où un poste de directrice du « Centre du livre et de la lecture en Poitou-Charentes » l’a comblée pendant douze ans. Aujourd’hui, elle n’a « pas de nostalgie », juste « une conscience du temps et de la finitude ». « J’ai vécu une expérience de proximité avec la mort. J’en ai d’autant moins peur que j’ai envie de vivre. Je sens une force en moi », dit cette « idéaliste pathologique ». 

Dans cette forme de renaissance salvatrice, l’enfant du Lot-et-Garonne au léger accent a choisi de poursuivre l’œuvre de son compagnon. A savoir redonner corps à l’Escampette, désormais affublée de l’adjectif « Nouvelle ». Avec la complicité de Vincent Dacq, l’agent de liaison passe de facto de l’autre côté de la barrière et se lance comme défi de réconcilier littérature et productions sociétales (sciences humaines, sociales…). En parallèle, Sylviane Sambor a fait de sa maison du 5, rue des Rampes, à Chauvigny, le siège de l’association « Lire, vivre et goûter, un avenir ». Grâce à des parrains et marraines comme Anne Alvaro, Philippe Lefait, Alberto Manguel, Eric Naulleau ou encore Bernard Pivot, l’assoc’ de « promotion et de réflexion autour des plaisirs de la lecture, ainsi que de relations entre littérature et monde du vin » devrait enivrer tous les Néo-Aquitains dès le printemps. Car c’est bien d’un trait d’union entre deux ex-régions antagoniques dont Sylviane rêve. Dans sa bouche, les mots « gourmandise » et « saveur » reviennent en boucle… elle qui a pourtant souffert d’anoréxie à l’adolescence. Au banquet des écrivains, c’est sûr, Sylviane Sambor ne laissera jamais sa part du festin. Quel destin ! 

(*) Maison d’édition fondée en 1991.

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