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Le choc a été brutal. En à peine quelques mois, la quasi-totalité des 241 salariés de Federal
Mogul, à Chasseneuil, a perdu son job. Exit l’usine de fabrication de pistons pour les moteurs diesel. Une prime supra légale, six mois de congés de reclassement payés à 80% du salaire et ensuite... le vide.
Pendant plus de vingt ans, Marie-Luce et son mari Sébastien ont travaillé à « Federal ». Elle était au contrôle qualité, lui en fonderie. « Je ne savais rien faire d’autre. Et puis, on m’a proposé de passer le permis de transport en commun. Finalement, j’ai eu beaucoup de chance d’être recrutée par Vitalis », se souvient la quadragénaire. Elle fête, mois-ci, sa première année de CDI à temps plein. Bien qu’il ait suivi une formation de cariste après son licenciement, Sébastien, lui, ne trouve que des missions temporaires. « Il a été dégoûté de l’industrie, mais c’est moins facile de trouver dans d’autres branches », précise son épouse.
Un tiers des salariés recasés
D’autres ont pu retrouver un travail en faisant valoir leurs compétences. Olivier, 51 ans, s’est dirigé vers les transports : « J’ai remis à jour tous les permis de conduire que j’avais passés à l’armée. Il m’a fallu six mois. » D’autres encore, comme David, avaient en main un savoir-faire recherché. Technicien de maintenance, le trentenaire a enchaîné sur un poste identique, toujours à Poitiers. Mais ces exemples de réussite ne sauraient cacher le drame social qu’a provoqué la fermeture de Federal Mogul. Le siège français de l’entreprise n’a pas souhaité répondre à nos questions. Tout comme BPI Group chargé du reclassement. De source syndicale, on sait que seul un salarié licencié sur trois aurait aujourd’hui décroché un CDI ou des missions d’intérim régulières. Les opérateurs, sans qualification transposable d’une entreprise à l’autre, ont été les premières victimes. A fortiori parce que leur moyenne d’âge (47 ans) était relativement élevée. Autrement dit, les recruteurs ont vite écarté ces profils.
Pour tous, la conséquence est la même : le déclassement, la honte et le sentiment d’impuissance. « J’ai vu des copains, avec lesquels je travaillais depuis vingt ans, venir pleurer à la maison. Moi, je m’interdis de partir en vacances depuis deux ans et ma santé se dégrade », témoigne Serge(*). La plupart ont décidé de tourner la page. Les échanges se raréfient. La page Facebook des « Pistonniers de l’espoir » reste inerte depuis novembre 2015. Une cinquantaine d’ex-salariés, convaincus que Federal Mogul a organisé le déclin du site de Chasseneuil, ont décidé d’assigner l’entreprise devant les Prud’hommes, pour licenciements « sans cause réelle et sérieuse ». L’affaire devrait être jugée tout début 2017. Pas de quoi leur rendre un boulot, mais au moins l’opportunité de retrou- ver l’honneur.
(*) Prénom d’emprunt.
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