En mode bonheur

Clarisse Baudinière. 32 ans. Costumière pour des compagnies de cirque et artiste collectionneuse d’objets en tout genre. Voyage pour vivre et vit pour voyager…

Florie Doublet

Le7.info

Machinalement, Clarisse Baudinière caresse son ventre rond, symbole d’un bonheur à venir. La Poitevine de 32 ans ne pourrait pas mieux incarner l’image de « la femme enceinte rayonnante » telle qu’on l’imagine. Encore une poignée de semaines et elle pourra récolter le fruit de sa patience.

L’artiste du « collectif 23 » a déjà mis au monde un « beau bébé » de dix kilos et quatre cents centimètres. Cette oeuvre gigantesque vient d’être exposée à la galerie Rivaud. « Il s’agit d’un squelette d’acier habillé d’un corset de dents humaines, trois mille pour être exacte, et de vingt mille cartes postales », détaille-t-elle. Au cas où vous ne l’auriez pas encore compris, Clarisse collectionne tout… et n’importe quoi. « C’est l’essence-même de ma démarche artistique », commente-t-elle.

Des envies d'ailleurs  

Aujourd’hui, la future maman peut se permettre de laisser vagabonder sa créativité. Une imagination fertile qu’elle a bien trop souvent bridée pour « rentrer dans le moule ». Son Bac économique et social en poche, la lycéenne de Châtellerault a décidé de « fuir » sa ville d’origine. Passionnée par les vêtements et la couture, elle n’avait qu’un rêve en tête : étudier la mode à Paris. Elle part pour la capitale et intègre Esmod(*). Grosse désillusion. « J’ai passé toute mon adolescence entourée d’élèves de l’école de cirque, installée dans mon lycée. Et là, j’ai découvert un milieu très différent de celui que je connaissais, raconte-t-elle. Les gens avaient la grosse tête. Il fallait faire du « portable, vendable et consommable ». Si la tendance était aux plis et que je voulais faire des fronces, et bien je devais faire des plis. »

Malgré tout, Clarisse s’accroche, son caractère perfectionniste la poussant à « toujours aller au bout ». « Et surtout, j’ai eu l’occasion de partir étudier dans une succursale de l’école en Inde, à Jakarta. Mes parents étaient terrifiés à l’idée de me laisser seule, à 19 ans, dans un pays du tiers monde. Je voulais y rester un an, ils m’ont accordé quatre mois. J’ai dit oui. » À peine un pied posé sur le continent indien, que la jeune femme sent qu’elle ne pourra tenir sa promesse. « Je voulais rester, c’était plus fort que moi. Enfin, je découvrais autre chose que ce que j’avais toujours connu. Une autre culture, une autre façon de vivre… » Hélas, trois fois hélas, le 9 septembre 2004 un attentat perpétré devant l’ambassade d’Australie fait neuf morts et deux cents blessés. Plus question de négocier avec papa et maman. « Ils m’ont ordonné de rentrer. »

Evidemment, ce retour précipité lui laisse un goût d’inachevé. « Je suis revenue en France en me disant que j’avais loupé quelque chose. » Qu’à cela ne tienne, la jeune femme ne se laisse pas abattre, multiplie les stages de costumière auprès de cirques, achève ses études, tente (sans succès) les Beaux-Arts à Londres et retourne s’installer à Paris, pour démarrer sa vie active.

UN AMOUR DE JEUNESSE…

Ce n’est qu’en 2014, dix ans après le drame de Jakarta, que Clarisse foule une nouvelle fois le sol indien. Mais elle n’est plus seule. Elle part dans un roadtrip d’un mois… avec son fils. « Je voulais l’embarquer dans un grand voyage. » Âgé de 4 ans (et demi), le petit Hyppolite a déjà visité huit pays ! Londres -« pays de l’excentricité et de la mode libre »- la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche… La jeune maman emmène partout son petit garçon, né d’une véritable passion. « Je suis tombée enceinte de mon amour de jeunesse, raconte-t-elle. Je l’ai retrouvé alors que je venais « d’atterrir » à Châtellerault, après deux années passées auprès de mon ancien compagnon, à Athènes. Deux semaines plus tard, j’attendais un bébé. »

Cette grossesse, Clarisse la vit seule. Elle décide de s’installer à Poitiers, une ville « à taille humaine et pas trop loin de (s)es parents ». Et rapidement, la Poitevine d’adoption prend ses marques. Les plus grandes compagnies -Cirque du Soleil, Akoreacro, cirque Le Roux…- lui confient la confection de costumes de scène. « C’est une niche dans laquelle je me suis engouffrée car je connais bien ce milieu et ses contraintes. »

Le tissu associatif reconnaît également ses talents. En 2011, l’Association des Amis des Femmes de la Libération lui commande une robe réalisée à partir de treize mille emballages de préservatifs. « Cela représente les passes d’une année, rien qu’à Poitiers », lâche la créatrice. Cette expérience et d’autres vécues auprès de structures telles que Zo Prod et la Regratterie lui ont donné des ailes. Avec Tom, ingénieur du son et futur papa, Clarisse s’envole déjà vers un nouvel horizon…

À lire aussi ...