Aujourd'hui
Francette Popineau, 56 ans. « Institutrice » depuis trente ans. Militante depuis le premier jour, elle vient d’être nommée co-secrétaire générale du principal syndicat de professeurs des écoles, le Snuipp. Sans prétention, cette Poitevine veut incarner la voix des enseignants de terrain.
C'est l’histoire d’une petite fille timide de Paizay-le-Sec, devenue numéro un et porte-parole du premier syndicat de professeurs des écoles français... Francette Popineau a été propulsée à la tête du Snuipp en juin dernier. Cette fonction ne figurait pourtant pas dans son plan de carrière. Appelée par Sébastien Sihr, en 2013, pour plancher sur les nouveaux programmes de maternelle, l’« institutrice » pensait vraiment retrouver, dès cette année, sa classe du centre-bourg de Buxerolles. « Aux plus petits, j’avais dit que je reviendrais et ils s’en souviennent. Du coup, je m’excuse auprès d’eux à chaque fois que je les croise au supermarché ! »
A 56 ans, cette pétillante Poitevine au regard malicieux n’a pas dit son dernier mot. Et compte bien revenir à son « vrai métier » avant la retraite. En trente ans, elle a traversé de nombreux villages : Saint-Rémy-sur-Creuse, Saint- Julien-l’Ars, Buxerolles-Planty, Buxerolles-bourg. Elle a aussi officié à Sainte-Radegonde, « la commune, pas l’école privée ». Le service public chevillé au corps, Francette Popineau s’est toujours fixé un objectif de cinq ans dans un même poste. « Changer d’endroit et d’équipe oblige à se remettre en question. En passant la main au bon moment, j’ai le sentiment d’achever un projet. »
Les paradoxes de l'Ecole
Cette envie de bouger se manifeste dès le début de sa carrière... d’animatrice à La Villedieu- du-Clain. Elle y crée un centre socioculturel de A à Z, avec des bénévoles et une municipalité enthousiastes, monte des projets pour les jeunes, puis s’en va. Une autre vocation la tente à cette époque. A la salle polyvalente de La Villedieu, comme dans son premier poste de formatrice, elle rencontre des ados en échec scolaire qui avaient pourtant tout pour réussir. « Comment l’école avait-elle pu passer à côté de mômes aussi créatifs ? La réponse était claire, ils n’avaient pas les codes pour s’insérer dans la masse. »
Plus de doute. Elle à qui l’école a tout donné doit « récupérer » ces oubliés de l’école. « Sans prétention. » Ses origines rurales et modestes la rappellent à l’ordre. Petite, cette fille d’un distillateur et d’une Atsem (agent territorial spécialisé des écoles maternelles), a vite compris qu’elle devait s’investir à l’école, « porte ouverte vers la culture et les activités ».
Dès son arrivée au sein de l’Education nationale, la maîtresse rencontre un maître G, l’un de ces enseignants un peu particuliers qui appartiennent aux Réseaux d’aides spécialisées pour les élèves en difficulté (Rased). Sa mission ? Donner aux enfants les clés pour bien se comporter en milieu scolaire. Grâce à lui, Francette découvre les intelligences multiples. Mais plus elle est confrontée à la réalité, plus elle comprend que certains sujets la dépassent. D’un côté, le système scolaire permet difficilement d’apporter une aide personna- lisée à trente élèves dans une classe. « L’Ecole ne sait pas le faire, certains instits oui. » De l’autre, les mauvaises conditions matérielles de quelques élèves pèsent lourd dans leur réussite. L’engagement syndical apparaît comme un moyen de changer les choses. D’atteindre l’équité.
Les palmes du recteur Moret
Au fil des années, cette mère de famille n’a jamais compté ses heures. « La majorité des enseignants sont comme ça. Je me bats pour que l’institution reconnaisse leur investissement, en rémunérant les temps consacrés à la concertation et aux échanges avec les familles. » L’instit de terrain veut porter leur voix.
Le Snuipp correspond à ses va- leurs. Francette Popineau dirige la délégation départementale pendant neuf ans avant d’être appelée à Paris. Pendant cette période, elle se retrouve régulièrement face à Martine Daoust, puis Jacques Moret, anciens recteurs de l’académie de Poitiers. Les négociations parfois tendues avec ce dernier, connu pour ses coups de sang aussi intenses que brefs, ne retirent rien à la qualité des relations entre les deux opposants. Le recteur Moret va même jusqu’à la recommander à l’Ordre des Palmes académiques. Un comble pour une syndicaliste ! Il lui épingle l’insigne de chevalier, en juillet 2015. « Je crois qu’il a apprécié que je témoigne de la vraie vie des enseignants. »
A l’école, cette bonne élève a découvert le théâtre, qui lui a donné confiance en elle. Aujourd’hui, la porte-parole monte chaque semaine sur la grande scène politico-médiatique, rencontre des ministres... Sans oublier d’où elle vient.
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