Aujourd'hui
Gérard Gourdot. 63 ans. Chorégraphe et danseur. Signe particulier : rechigne à se plier aux normes. À toujours assumé ses choix, même les plus douloureux. Les femmes de sa vie ont chacune à leur manière bouleversé ses certitudes.
Il parle de sa vie comme d’une série télé. Tous les ingrédients y figurent : personnages principaux charismatiques, passions amoureuses, rebondissements, dilemmes douloureux… « Disons que mon parcours n’est pas conventionnel », sourit le danseur et chorégraphe poitevin.
Enfin, Poitevin… Pas tout à fait. Gérard Gourdot a grandi à Lormes, un petit village proche de Château-Chinon, dans le Morvan. Le récit de son enfance constitue le premier épisode de ce feuilleton à suspense. « J’ai vécu une sorte de « Moyen-Âge », lâche-t-il. Mon père était maréchal-ferrant et ma mère femme de ménage. Je manquais cruellement d’ouverture sur le monde. Mes seules aspirations se limitaient à devenir instituteur, comme le fils du médecin. »
À 63 ans, Gérard réalise après coup que « le poids de la norme » pesait déjà trop lourd sur ses épaules. « J’étais encore loin de mettre des mots sur ce ressenti, assure-t-il. À l’intérieur, je bouillonnais, sans savoir ce qui m’animait réellement. » Aujourd’hui, tout est limpide. La danse est son moteur. Le carburant qui lui donne l’énergie d’aller vers demain. Mais à 16 ans, quand on ignore tout de l’art, difficile de se frayer un autre chemin…
Le jeune Gérard a donc poursuivi ses études à l’Ecole normale. Une véritable fierté et ascension sociale pour ses parents. Longue tignasse -ne vous fiez pas à la photo-, grosse barbe, rangers… L’apprenti « instit’ » voulait déjà marquer sa différence. « J’ai passé mon Bac, puis j’ai commencé ma formation professionnelle. Je voulais aller au bout, ne serait-ce que par loyauté envers mes parents. Mais la première fois que je suis entré dans une classe, j’ai décidé de tout lâcher. Je ne pouvais pas faire subir à ces mômes ce que, moi, j’avais eu du mal à supporter. » En prenant cette décision, l’adolescent savait qu’il déchirait le cœur de ses parents. « Mais il fallait que je sauve ma peau. » Fin du premier épisode.
« Rupture familiale »
Le suivant s’ouvre sur un mariage. À 20 ans, il s’unit à Michelle, rencontrée sur les bancs de l’Ecole normale. « Nous partagions une passion pour le théâtre. » Le couple s’installe d’abord à Besançon, puis dans une « communauté hippie » au sein d’un village de Haute-Savoie. De ce premier amour, naît un petit garçon, Mathias. « Voilà, j’étais parti pour cette vie. Marié et père de famille. »
Vous l’aurez compris, le héros de son histoire a un don naturel pour sortir des sentiers battus.… « J’ai rencontré deux danseuses extraordinaires et je leur ai proposé de donner des stages autour du travail corporel, dans l’ancien hôtel « dancing » où nous résidions. Ces femmes ont totalement bousculé mes codes. Elles étaient autonomes, libres, elles assumaient leurs choix. » Grisé par ses découvertes, Gérard décide de « s’échapper ». « J’ai accepté un poste de metteur en scène à Fontainebleu, en laissant derrière moi femme et enfant. »
Nouveau pied de nez à la norme. Gérard sait que cette décision ne fut pas sans conséquence. Devenu rappeur, son fils s’est nourri de cette « fracture » pour écrire ses textes. Une cicatrice qui ne s’est jamais tout à fait refermée… « Je crois que cette rupture familiale a marqué un tournant dans ma vie. Le début de la « saison 2 »… » Une saison marquée par un grand amour. Elisabeth, l’une des deux danseuses, a tout chamboulé sur son passage. À cette époque, à Paris, juste avant l’élection de Mitterrand, la danse contemporaine est en plein essor. Grâce à une collaboration avec le chorégraphe américain Mark Tompkins, le danseur amateur aiguise sa pratique, améliore sa technique et chemine pour créer son identité artistique. Une parenthèse enchantée. Trop belle, peut-être, pour Gérard qui décide une nouvelle fois de relancer les dés. « L’idée de prendre un appartement avec Elisabeth a été le déclic. Mais cela a été terrible. Elle faisait partie de moi. Il fallait que je l’arrache de ma peau. Je me souviens de nuits affreuses, cramponné à mon lit. J’étais malade d’amour. »
La dernière saison ?
Une passion dévorante bien loin de la relation « posée et réfléchie » qu’il vit aujourd’hui avec Anne Morel. Depuis 2006, la metteure en scène lui apporte la stabilité dont il a besoin. Une « force d’ancrage ». « Grâce à elle, j’ai appris qu’il ne fallait pas se faire piéger par les murs que l’on a construits. » Ensemble, ils animent le collectif « HF Poitou-Charentes » qui lutte pour « l’égalité entre les genres dans le milieu culturel ». Un combat de chaque instant qu’il mène avec un cœur de militant. « Aucune femme ne dirige un théâtre national. J’avais senti, tout au long de mon parcours artistique, que le simple fait d’être un homme m’apportait des privilèges. Mais ma position était bien trop confortable pour que je devienne un véritable allié. Avec Anne, je réfléchie énormément à ces questions. »
Ce nouvel épisode de sa vie n’aurait jamais pu s’écrire sans sa rencontre, dans la capitale, avec Julie, l’une de ses élèves danseuses. Et c’est avec elle que Gérard a renoué avec la paternité. Ensemble, ils ont eu Marcus, que les Poitevins connaissent désormais sous le nom de… Killason. « Et c’est à cette période que j’ai emménagé à Poitiers. Nous cherchions une maison pour nous installer. » Une « troisième saison » qui s’est achevée en 2005. « Comme à chaque fois, j’ai repris mes billes et ma valise, mais je n’ai pas de regret. Aujourd’hui, je peux le dire, je me suis construit grâce à ces rencontres, analyse-t-il. Mon parcours a été ponctué de relations très fortes avec les femmes. Elles m’ont nourri, transformé… »
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Patricia Thoré, l'amie des bêtes
Patricia Thoré « de la Maraf ». 67 ans. Originaire de Rochefort, arrivée dans la Vienne en 1998. Ancienne militaire de carrière aujourd’hui responsable de la Maison d’accueil et de retraite des animaux de la ferme, à Salle-en-Toulon. Amie des bêtes et femme de conviction.