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Calais, les migrants et nous
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : mardi 27 septembre 2016Comme nous vous l’annoncions jeudi dernier, seize migrants de la jungle de Calais devraient arriver à Mignaloux, dans le courant du mois d’octobre. Mais pour le chercheur poitevin Olivier Clochard, du laboratoire Migrinter, ce démantèlement ne résoudra rien.
La situation dans la Vienne
La Nouvelle-Aquitaine s’apprête à accueillir neuf cents migrants supplémentaires, en provenance de la jungle de Calais. Ce chiffre s’ajoute aux cinq cents déjà arrivés dans l’un des douze départements de la région. Ces personnes sont prises en charge dans le cadre de Centres d’accueil et d’orientation (CAO). Dans la Vienne, il en existe déjà trois, à Poitiers-Ouest (rue de la Chauvinerie), Châtellerault et Naintré, qui abritent quatre-vingt-cinq hommes, femmes, enfants en attente d’une demande d’asile.
Un quatrième CAO doit ouvrir à Mignaloux-Beauvoir courant octobre, avec seize nouvelles places prévues. Le maire Gérard Sol et son conseil municipal se disent « fiers de tendre la main à des personnes dans le besoin ». « En temps utile, nous mobiliserons le Centre communal d'action sociale (CCAS) et les associations afin de leur apporter un réconfort humain… » Toutes les structures citées sont gérées par l’association Audacia. S’agissant des Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada), la Vienne en compte trois sur le territoire de Grand Poitiers (173 places), un à Sommières-du-Clain (23 places) piloté par la Croix-Rouge, un à Châtellerault (Coalia, 30). Un Accueil temporaire service de l’asile (Atsa) de quatre-vingt-dix places a également ouvert à Loudun, en 2015.
Démanteler, et après ?
Géographe au laboratoire Migrinter, de l’université de Poitiers et du CNRS, Olivier Clochard connaît particulièrement bien la jungle de Calais pour s’y être rendu à plusieurs reprises. Le chercheur dépeint «des conditions de vie très difficiles» et une quasi-obligation pour ces populations d’accepter une place en CAO. « Mais dans les faits, leur désir d’aller en Angleterre, pour des raisons familiales, professionnelles, amicales, ou parce qu’ils parlent anglais, est plus fort que tout. » Traduction : le démantèlement ne sera jamais complètement effectif. « J’ai l’habitude de dire que Calais est un sismographe des crises qui existent dans le monde. On a affaire à des populations en transit, donc en constant renouvellement. » Et Olivier Clochard d’insister sur le fait que « tant que les contrôles entre la France et l’Angleterre perdureront, la situation demeurera ». Force est de constater que sur les trente-cinq migrants « débarqués » à la Chauvinerie, en novembre 2015, une quinzaine sont repartis très vite vers Calais tenter leur chance.
Des chiffres qui parlent
Entre 2014 et 2015, dans l’ensemble de l’Union européenne, le nombre de demandeurs d’asile est passé de 600 000 à 1,5 million. « A l’échelle de l’UE, c’est 0,3% de la population totale », rappelle Olivier Clochard. A l’échelon national, les demandes d’asiles équivalent à celles du début des années 90 (80 075 en 2015). Le chercheur se dit « frappé par le regard médiatique et politique en complet décalage avec la réalité ». « L’année dernière, ma collègue Karen Akoka et moi-même avions été sollicités par le ministère de l’Intérieur pour participer à une enquête sur le règlement de la situation migratoire à Calais. C’était une initiative intéressante, mais ce qui est principalement ressorti, ce sont les solutions policières… »
Photo d'archives prise à la Chauvinerie.
Dans quelques semaines, le démantèlement de la jungle de Calais sera à l’œuvre. Partout en France, les communes se préparent à l’accueil de quelque neuf mille migrants en provenance du Nord. A écouter le Grand Rabbin de France, Haïm Korsa, l’opération viserait à « partager l’espérance et non plus à concentrer la désespérance dans un même endroit ». Seulement voilà, les messages de fraternité peinent à couvrir les cris d’orfraie. Dans le fatras du racisme, du rejet de l’autre et des amalgames de bas-étage, le fiel décomplexé s’exprime à qui mieux-mieux sur les réseaux sociaux. Jusqu’à provoquer gêne et dégoût. Déjà nauséabond, l’air ambiant n’est pas assaini par les discours de certains candidats à la primaire de la droite et du centre. Par calcul politique ou conviction plus profonde, les tenants d’une ligne dure courent après les extrêmes avec une foulée très déliée. Triste spectacle que cette France un poil rance, renfermée sur elle-même et incapable d’accepter les différences. Heureusement, certains élus, comme le maire de Mignaloux Gérard Sol, font honneur à leur fonction.
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Patricia Thoré, l'amie des bêtes
Patricia Thoré « de la Maraf ». 67 ans. Originaire de Rochefort, arrivée dans la Vienne en 1998. Ancienne militaire de carrière aujourd’hui responsable de la Maison d’accueil et de retraite des animaux de la ferme, à Salle-en-Toulon. Amie des bêtes et femme de conviction.