Espiègle et drôle

Jérôme Rouger. 46 ans. Fondateur de la compagnie de théâtre « La Martingale ». Deux-Sévrien d’origine et Poitevin d’adoption, il porte un regard amusé sur le monde qui l’entoure. Il souligne avec humour les travers de notre société, sans jamais tomber dans la méchanceté.

Florie Doublet

Le7.info

Jérôme Rouger est de ceux qui sourient avec les yeux. Deux billes rieuses, couleur noisette. Un regard d’enfant. Celui qu’il n’a jamais cessé d’être. À 6 ans, le gamin de Therves, près de Bressuire, dans les Deux-Sèvres, contemplait « avec fascination » les spectacles donnés par le « cabaret » du club de gymnastique local. « Oh, avec le recul, ce n’était sans doute pas aussi grandiose que je le pensais, concède-t-il. Mon oncle y participait, il écrivait des sketchs que je trouvais très drôles. »

L’humour, un héritage familial. A priori, entre un père prof de maths et une mère secrétaire dans une fabrique de meubles, le petit Jérôme ne se destinait pas à la comédie. « Au départ, je crois que j’avais surtout envie de faire des blagues, « un pas de côté » par rapport au quotidien, lâchet-il. À la maison, nous avions tous un esprit malicieux. Mon grand-père, par exemple, adorait inventer des histoires, faire des farces au téléphone. Cela m’amusait beaucoup. »

Depuis, le fondateur de la compagnie « La Martingale » a eu les honneurs de L’Express, Culturebox, France Culture et même Télérama. « Un humour pince-sans-rire et une maîtrise du jeu de bout en bout surprenante » ; « un conteur comme on en voit peu » ; « une écriture ciselée autour de problèmes très actuels, le tout garni d’un humour décapant mais jamais cynique ». Rien que ça ! Et dire que Jérôme Rouger faillit passer à côté de sa vocation…

Des chiffres et des lettres 

Son bac S en poche, le lycéen décida naturellement de consulter sa conseillère d’orientation. Mauvaise idée. « Elle m’a immédiatement découragé d’emprunter cette voie, raconte-t-il. La liste des documents nécessaires pour intégrer le conservatoire de Paris était photocopiée sur du papier moche, brouillon, en noir et blanc. Je dois l’avoir conservée quelque part tellement cela m’a marqué. » La perspective de passer ce prestigieux concours, seul, dans la capitale, freina les ardeurs de l’adolescent. « J’étais surtout un peu immature. »

Et c’est ainsi que Jérôme quitta son cocon deux-sévrien pour atterrir dans une « piaule d’étudiant », à proximité de la faculté de maths de Poitiers. Le jeune homme jongla alors entre les livres d’arithmétique et les livrets de pièces de théâtre. « Je jouais dans des compagnies amateures. Et à un moment donné, l’écriture s’est imposée comme une nécessité. Pas forcément dans le but d’en faire des spectacles, simplement pour moi. »

La suite, de nombreux Poitevins la connaissent… De « Police culturelle », en 1998, à « Pourquoi les poules préfèrent être élevées en batterie ? », en 2014, toutes ses pièces ont rencontré le succès. Il y décrypte nos petits travers, s’amuse avec les faux-semblants, se joue de nos petits arrangements avec la vérité… « Je me suis rendu compte que dans tous mes spectacles, j’abordais, sans vraiment le chercher, l’art de la manipulation. C’est un thème qui me passionne, notamment quand il touche à la politique. »

Jérôme Rouger n’a peur de rien. Face à Alain Juppé ou Ségolène Royal, en plein milieu d’une prestigieuse réception, il incarne Bruno Delaroche, un envoyé du ministère de la Culture, décrétant qu’au nom de la « démocratisation culturelle », les Français devront obligatoirement assister à deux spectacles par mois. « Que c’est drôle de voir ces députés, préfets et ministres se demander si je me fiche d’eux ! Evidemment, ils comprennent rapidement que tout ceci n’est qu’une parodie, mais l’espace d’un instant je rigole bien ! »

« Un signe du destin »

Le comédien aime rire, mais jamais aux dépens des autres. Sa compagne Pauline y veille également. Leur rencontre est à l’image de Jérôme. Empreinte d’une forme de poésie. « Elle était dans le public, un soir de spectacle à Melle. De manière totalement inattendue, il s’est mis à neiger à gros flocon. Je n’ai pas pu repartir… Je crois que c’était un signe du destin », sourit-il. De ses yeux d’enfant, Jérôme regarde la vie avec « une forme de légèreté et d’insouciance ». Au gamin de 6 ans qui applaudissait les artistes du cabaret de Therves, il murmure : « Ne t’inquiète pas, tu vas continuer à bien t’amuser. »

« [Plaire] Abécédaire de la séduction », nouveau spectacle de Jé- rôme Rouger, du 17 au 19 janvier, au Tap Poitiers. Renseignements : www.lamartingale.com

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