« Quelque chose à faire dans cette vie »

En partenariat avec l’association Audacia, le « 7 » a choisi de donner la parole à ceux qui ne l’ont jamais. Les « Oubliés de la vie » ont tribune ouverte dans notre magazine. Cette semaine, focus sur Franck, ancien chef d’entreprise passé par la case prison.

Arnault Varanne

Le7.info

Une belle petite vie de famille

« J’ai débuté dans la vie active en tant qu’animateur. Après avoir rencontré une femme, je me suis marié. Nous avons eu un premier enfant. J’ai découvert le rôle de papa. Je me suis remis aux études et j’ai passé un BTS comptabilité, raté de peu. Cela ne m’a pas empêché de décrocher un boulot dans un cabinet comptable et de grimper les échelons. Nous avons eu un deuxième fils. Malgré ses problèmes de santé, nous avions une belle petite vie de famille. Nous avons déménagé dans une belle propriété de Magnac-sur-Touvre, car j’avais trouvé un job de chef comptable à Angoulême... »

Quand ça dérape...

« En Charente, ma femme a trouvé un travail... et un amant. J’ai perdu pied professionnellement et suis parti dans le Loir-et-Cher. Je pensais que ce job me ramènerait tout. Au bout d’un an, avec un rythme infernal, j’étais dans une totale insatisfaction de vivre. J’ai démissionné et je suis reparti sur Angoulême. Je me suis installé chez une femme qui m’aimait mais que je n’aimais pas. Elle était médecin. Elle payait tout. Je ne travaillais pas. Je buvais beaucoup... »

Changer de vie

« Après le décès de ma mère, je me suis dit qu’il fallait que je change de vie. J’ai quitté la femme avec laquelle je vivais, suivi une cure d’alcoologie et retrouvé un travail de responsable administratif, à Niort. Au bout de cinq mois, je suis revenu à Poitiers... »

« La prison, c’est horrible »

« Après, je me suis associé avec quelqu’un pour monter une société de rénovation-décoration d’hôtels sur Paris. Il était un peu magouilleur. Après deux ou trois ans, nous avons réalisé des chantiers à l’étranger, notamment en Algérie. L’argent versé sur un compte local n’a jamais été rapatrié. Tout s’est emballé très vite : convocation à la police judiciaire, garde à vue et comparution immédiate. J’ai pris deux ans, dont neuf mois ferme. La prison, c’est horrible. Ce n’est pas la violence, les petits trafics et tout ce qu’on imagine. Le plus violent, c’est la solitude. »

« Quelque chose à faire »

« Quand je suis sorti de prison, le vide s’était fait autour de moi. Les amis avaient disparu. Mes enfants ne me parlaient presque plus, surtout l’aîné. Heureusement, j’avais pu garder mon appartement, sinon je me serais retrouvé à la rue. Côté financier, la situation s’est vite dégradée. Je touchais 450€ de RSA et j’avais 330€ de loyer. Je n’ai plus eu la possibilité de payer mon loyer. J’ai été menacé d’expulsion. Finalement, après négociation avec le bailleur social Logiparc, j’ai pu changer d’appartement, J’ai eu quinze jours pour faire tous les travaux, avec l’aide d’Audacia. Cette étape d’auto-réhabilitation m’a permis de me réinvestir dans un projet et de démarrer avec un esprit positif. Aujourd’hui, je reprends contact avec mes fils progressivement. Ils habitent Bordeaux. Je me dis que j’ai quelque chose à faire dans cette vie et que je vais bien finir par trouver. »

 

DISPOSITIF
L'auto-réhabilitation accompagnée

Parmi ses nombreuses activités, le service Habitat et logistique d’Audacia réalise des opérations d’auto-réhabilitation accompagnée de logements, pour des bénéficiaires. Concrètement, il s’agit d’aider « techniquement et socialement » des personnes en difficulté à « mobiliser leur force de travail » pour remettre en état un logement qu’ils occupaient, occupent ou occuperont. « Les objectifs sont de plusieurs natures : initier les occupants aux gestes techniques et les redynamiser dans le cadre d’une activité à forte charge symbolique », explique Audacia. Un contrat tripartite entre l’animateur, le bénéficiaire et le prescripteur social est signé avant chaque chantier. Quant à la nature des travaux, elle va de l’embellissement à de la remise en état (papier peint, peinture, revêtement de sol). Le dispositif porté par Audacia s’adresse aussi bien à des personnes seules qu’à des familles dans la précarité.

À lire aussi ...