« Les jeunes sont désabusés »

Après quarante-trois ans de carrière comme assistante sociale au Crous de Poitiers, Nicole Méteau se livre sur sa perception du monde étudiant et la richesse de son métier.

Marc-Antoine Lainé

Le7.info

Nicole Méteau, vous êtes rentrée au Crous de Poitiers en 1973 et y avez passé toute votre carrière. Comment expliquer cette fidélité ?

« Nous ne sommes que deux en France à avoir travaillé autant de temps dans un Crous. Je n’ai jamais eu envie de partir pour plusieurs raisons. Ce travail d’assistante sociale est captivant. Le public est passionnant, très enrichissant, l’environnement de travail agréable. Depuis que je suis en poste, j’ai vu passer plus de cent mille étudiants en souffrance au Crous. Principalement des Français, mais aussi beaucoup d’étrangers. J’avais la sensation de voyager sans bouger de mon bureau. »

Le monde étudiant a-t-il évolué depuis quarante ans ?

« Oui, énormément. Je trouve les jeunes d’aujourd’hui très désabusés et inquiets pour leur avenir professionnel. Ils sont pour la plupart noyés dans la masse. Les générations précédentes étaient plus sereines. J’ai la sensation que l’état d’esprit des étudiants est au diapason de la situation économique du pays. Pour autant, l’Etat ne les laisse pas tomber. Nous avons les moyens de les aider. Mais tous n’acceptent pas ce coup de main. »

Quel regard portez-vous sur la société actuelle ?

« Les réseaux sociaux m’inquiètent. Je me souviens de soirées passées au restaurant universitaire autour de grandes tablées. Ce temps-là est révolu. La manière d’échanger a considérablement évolué et favorise désormais l’isolement des jeunes. Les étudiants doivent comprendre que la porte du Crous leur est ouverte tout au long de l’année. Et notamment pendant les périodes de fêtes, où certains se retrouvent seuls dans leur chambre. La richesse est dans la rencontre des autres. »

Quels ont été vos plus grands succès et vos plus cuisants échecs ?

« J’étais particulièrement heureuse lorsque j’ai vu certains étudiants arriver dans mon bureau sur recommandation de leurs parents, que j’avais eux-mêmes reçus des années auparavant. Certains sont devenus doyens de fac et présidents d’université. Dans ma carrière, j’ai aussi eu des déceptions et connu des échecs, bien sûr. Mais chaque rencontre était magnifique. Aujourd’hui, je pars car j’estime qu’il est temps de laisser ma place. Je n’ai aucun regret. J’ai la sensation d’avoir accompli ce que j’avais envie de faire. La page doit se tourner. Il va maintenant falloir que j’arrive à lâcher prise pour profiter pleinement de ma retraite ! »

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