La faille des prêts immobiliers

Une quinzaine d’avocats français, dont Me Emmanuelle Buffet, inscrite au barreau de Poitiers, lancent une action collective de consommateurs lésés au moment de contracter un prêt immobilier. En cause, le calcul des intérêts sur la fameuse année Lombarde... de trois cent soixante jours.

Arnault Varanne

Le7.info

L’affaire pourrait faire grand bruit et éclabousser encore un peu plus la réputationdes grandes banques françaises. L’avocat toulousain et parisien Christophe Lèguevaques monte au front face à leurs pratiques commerciales. D’après ses estimations, plus d’un million de contrats de prêts litigieux auraient été signés avec des particuliers dans les quinze dernières années. Des prêts immobiliers calculés sur le principe de l’année Lombarde(*), soit trois cent soixante jours au lieu de l’année civile. « Ainsi, les banques gagnent quelques centaines d’euros par dossier, donc des millions au final, alors qu’elles sont régulièrement sanctionnées par des décisions judiciaires », avance Me Emmanuelle Buffet.

Avec une quinzaine de ses confrères et consoeurs, l’avocate poitevine a choisi de rallier l’action collective « Stop la Lombarde ! » et invite les consommateurs lésés à se manifester. Mise en ligne mi-juin, la plateforme mysmartcab.fr recense déjà une soixantaine de dossiers à l’examen. « Individuellement, les gens hésitent à se lancer dans une procédure aussi lourde. Mais collectivement, ils sont plus forts. » En pratique, le site permet de faire analyser son prêt, en envoyant le contrat initial et le tableau d’amortissement. Des spécialistes du chiffre effectuent sans frais les calculs et disent si, oui ou non, la pratique -l’année Lombarde, donc- est attaquable devant les tribunaux.

Des gains énormes

Une décision de la Cour d’appel de Paris, rendu le 7 avril dernier, renforce encore un peu plus la position des avocats. Sachant que la jurisprudence de la Cour de cassation consiste à substituer le taux contractuel par le taux d’intérêt légal au jour de la conclusion du contrat. « Par exemple, pour 200 000€ empruntés en 2011, avec un taux contractuel de 4%, dont les intérêts sont calculés sur une année Lombarde, le taux ramené à 0,39% permet une économie de 82 000€ pour l’emprunteur », décrypte
Me Emmanuelle Bonnet. En cas de succès judiciaire, cette somme ne revient pas en totalité au plaignant puisque les avocats prennent des honoraires et un forfait minimal de 2 400€. N’empêche, la perspective de gains énormes devrait inciter les propriétaires de biens à regarder leur tableau d’amortissement. A moins qu’ils ne préfèrent négocier à l’amiable avec la banque. « Notre but est d’entamer des discussions en amont avec les banques, de manière à trouver un terrain d’entente... » En cas de refus, la bataille judiciaire pourrait durer au moins six ans.

(*)La pratique fait référence aux prêteurs sur gage du Moyen-Age, un type de banque qui apparaît en Lombardie. L’année Lombarde arrondie à trois cent soixante jours était utilisée par commodité pour le calcul des intérêts. Plus d’informations sur www.mysmartcab.fr

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