Les révoltés de l’Iffcam

Jeudi dernier, les étudiants de Master 2 de l’Institut francophone de formation au cinéma animalier de Ménigoute ont unanimement refusé de soutenir leur travail de fin d’études. Un fait inédit à l’université de Poitiers, qui met en lumière un conflit vieux de plusieurs années entre les étudiants et une enseignante.

Marc-Antoine Lainé

Le7.info

9h30, jeudi dernier. À la faculté de Sciences humaines et arts (SHA) de Poitiers, c’est le calme plat. Voilà maintenant plusieurs semaines que les étudiants ont terminé leurs cours. Au détour d’un couloir, les élèves de l’Institut francophone de formation au cinéma animalier de Ménigoute (Iffcam) s’apprêtent à soutenir leur travail de fin d’études devant un jury. Les visages sont fermés, la tension palpable. Et pour cause. Tous ont décidé de boycotter la soutenance. Et d’écrire une page inédite dans l’histoire de l’université de Poitiers.

Une trentaine de personnes ont pris place dans la salle 103. Parmi elles, quinze étudiants de Master 2 à l’Iffcam, d’anciens élèves, des parents, d’autres jeunes des promos inférieures... Jean-Claude Croizet, directeur de l’UFR SHA, appelle le premier étudiant à soutenir sa thèse. « Vous avez quinze minutes. » La réponse du jeune est tranchante. « Je soutiendrai lorsque madame Giglio-Jacquemot quittera la salle », lance-t-il, à destination du jury dont fait partie l’enseignante-chercheuse référente de l’Iffcam. Le pavé est lâché dans la mare. Et met au jour un conflit qui dure depuis plusieurs années. « Nous nous sentons méprisés et humiliés par cette enseignante, glisse un étudiant. Elle ne se déplace plus à Ménigoute pour assurer ses cours et nous demande même de venir à Poitiers. Nous nous sommes fait entendre auprès du doyen de l’université. Nous avons été jusqu’à adresser un courrier de plus de quarante pages, en recommandé, à la direction, mais rien ne s’est passé. »

« Un dossier hautement complexe »

Jean-Claude Croizet demande au premier étudiant d’aller se rasseoir. Applaudissements dans la salle. Le directeur de l’UFR hausse le ton et menace de poursuivre la soutenance à huis clos. Le prochain élève s’avance. « Je vais aller dans le même sens que mon camarade. » Applaudissements. « Tout le monde sort immédiatement ! » De retour dans le couloir, les étudiants vident leur sac. Certains sont en pleurs. « Nous sommes tous unis pour dénoncer ce qui se passe à l’Iffcam », explique une étudiante en Master 2. D’une seule et même voix, tous estiment « avoir été traînés dans la boue ». Leur solidarité est indéfectible. Seule une étudiante chinoise aura soutenu sa thèse jeudi matin. « Elle n’avait pas le choix pour le coup, expliquent ses camarades. Sa bourse de mobilité internationale était conditionnée au passage de son examen. »

Interrogé après coup, Jean-Claude Croizet reconnaît le caractère « extraordinaire » de la situation. Tout en teintant le propos des étudiants de nuances. « La collègue a assuré l’ensemble de ses enseignements, contrairement à ce qui est dit, précise le directeur de l’UFR. Je lui ai par ailleurs demandé de ne plus se rendre à Ménigoute au vu du climat d’hostilité. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de problème. Le temps viendra où ce dossier hautement complexe sera expliqué. » Sollicitée sur place, par courriel et téléphone, l’enseignante n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.

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